Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés. Nous entendons à nouveau aujourd’hui ce commandement de Jésus; il tient une place centrale dans l’Evangile selon Saint Jean, au cours de ce long discours après la Cène. Mais comment les autres évangélistes ont-ils formulé ce commandement de l’amour? C’est le « premier » commandement que les évangiles synoptiques ont voulu nommer en reprenant la loi juive. Ils citent le Deutéronome (DT 6,5) : »Ecoute, Israël, le Seigneur notre Dieu est l’unique Seigneur; tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme, de toute ta pensée et de toute ta force » et au même niveau le Lévitique (Lv19,18): « tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Contrairement aux trois autres évangiles, Jean ne parle pas de l’amour du prochain, mais de l’amour mutuel des disciples. L’amour fraternel vécu est le signe par excellence de la présence de l’amour de Dieu dans nos vies. Cet amour que nous devons mettre en oeuvre trouve sa source dans la vie de Jésus. Sa mort sur la croix et sa résurrection par le Père sont les expressions suprêmes de l’amour de Dieu pour nous. N’est-ce pas ce que nous célébrons à chaque messe? Chaque Eucharistie actualise ce don de Jésus pour la communauté rassemblée : sacrement de l’amour de Dieu pour l’homme et commandement de l’amour fraternel adressé à chacun de nous. Le Corps du Christ est identifié par l’Eucharistie à la fois à l’Eglise toute entière et à la nourriture dont s’alimentent les pratiquants. La présence réelle du Christ se manifeste dans l’action de rassembler les corps dans le Corps du Christ. Recevoir la communion, c’est dire « oui » au don de Dieu ET dire oui au don de soi-même. Tous les humains font potentiellement partie du Corps du Christ. Dans l’Eucharistie, Jésus est à la fois le don, le donateur et celui qui réçoit. Nous mangeons le Corps du Christ et nous sommes alors transformés en Corps du Christ. A notre tour, nous devenons nourriture pour le monde. Monde affamé ou monde anorexique? Ce n’est pas à nous de juger! « Faites ceci en mémoire de moi » : la prière consécratoire nous invite à suivre le Christ dans le don de lui-même. La nourriture pour le Corps a besoin d’être accompagnée par la nourriture de l’âme qui est donnée à chaque messe. C’est l’âme qui nous permet de voir le Christ en tout homme. Jésus n’a pas voulu limiter le don de lui-même à ses seuls disciples. Son sang est versé pour tous, pour la multitude. Puissions-nous, privés momentanéement de la communion au corps et au sang du Christ, percevoir la portée cosmique de ce sacrement de l’amour! Bertrand de Montclos, diacre permanent |