L’Eucharistie fait des chrétiens un seul peuple

J’ai eu la grâce de partir un an au Vietnam en tant que volontaire envoyé par les MEP, société de prêtres évangélisant l’Asie depuis le 17°s. Ils envoient chaque année 150 jeunes se mettre au service de diocèses locaux ou de communautés religieuses. Pour ma part, j’étais professeur de français et d’anglais dans le séminaire de la ville d’Haïphong. Le choc, en arrivant sur place, a été rude : aucune connaissance autour de moi, pas un Français : le dépaysement total. Je me souviens de ma 1° messe comme si c’était hier : à 5h30 du matin, entièrement en vietnamien, j’avais mal dormi, j’étais épuisé. Je n’y comprenais rien et me sentais à mille lieux de ceux qui m’entouraient.

Vint le moment de la communion. Ce fut une lumière pour moi : ce qui m’unissait à ces Vietnamiens dont tout me séparait, c’étaient ma foi en Jésus et le fait de recevoir le même Christ dans l’hostie. Recevant tous le Christ au moment de la communion, nous n’étions plus des étrangers mais des frères dans le Christ. Nous faisions partie du même corps, le Christ (1 Co 12). Ce jour-là, j’ai découvert que la messe formait l’Eglise : d’individus séparés elle faisait un seul corps.

St Augustin avait une conscience très vive de cette réalité et il l’expliquait avec d’autres mots, lesquels vont probablement vous surprendre. Il disait en substance : « Songe, quand tu reçois le corps du Christ et que tu dis Amen, que c’est l’Eglise que tu reçois et que c’est à la réalité de l’Eglise dans le pain consacré que tu dis Amen, puisque le corps du Christ, c’est l’Eglise. » Etonnant, non ? Nous ne sommes pas habitués à cette manière de voir : nous avons surtout conscience de la présence du Christ dans l’hostie, mystère merveilleux que nous accueillons en nous recueillant après la communion. Mais ce mystère se prolonge : dans l’hostie, l’Eglise est aussi présente. Après réflexion, ce n’est pas si étonnant, car là où Jésus est présent, tous ses frères réunis dans l’Eglise le sont aussi. En effet, par son Incarnation et sa Pâque, il s’est tellement uni au genre humain que l’on ne peut plus l’en séparer.

Cela change notre manière de vivre la communion : quand nous prenons un moment de recueillement après avoir communié, nous pouvons rendre grâce au Seigneur pour ce don immense de l’Eglise en notre cœur. Quelle merveille : de même que pour m’unir à lui, il se donne à moi dans l’hostie, de même, pour m’unir à l’Eglise, il me la donne dans l’hostie. Pour que je sois plus uni à mes frères, que mes liens d’amour grandissent envers eux, Dieu me donne l’Eglise et la dépose en mon cœur, afin qu’elle vive en moi.

Je pense que cette dimension communautaire de l’eucharistie nous parle particulièrement aujourd’hui. Certes, nous avons soif de recevoir à nouveau Jésus dans l’hostie mais nous avons aussi soif de ce rassemblement communautaire qu’est la messe. Réalisons que cette dimension communautaire de la messe va peut-être au-delà de ce que nous en percevions : ce n’est pas un rassemblement comme dans un stade de foot mais une unification profonde de tous les fidèles en un seul corps, l’Eglise. Ainsi, l’eucharistie fait grandir la paix et l’unité dans notre quartier, dans notre famille, dans notre pays, dans le monde entier.

Seigneur, viens nous aider à entrer dans ce mystère immense de l’eucharistie. Aide-nous à voir, avec les yeux de la foi, que tu es présent dans l’hostie et que ton Eglise y est présente également. Fais que nos cœurs vivent ce qu’ils reçoivent : que nous désirions la croissance des liens de charité dans notre paroisse, que nous soyons soucieux des plus petits, que nous trouvions notre juste place dans la paroisse que nous reconnaissions sans jalousie le charisme de chacun. Seigneur, fais de nous des artisans de l’unité de ton Eglise.

Olivier de Petiville