Médiation sur le discours du pain de vie (Jn 6)

Nous avons tendance à avoir immédiatement une lecture eucharistique du discours du pain de vie. A gros trait, je la résumerais par ces quelques phrases. A Jésus qui leur parle d’un pain venant directement du Père, les juifs disent : « Donne-nous toujours de ce pain-là » (6, 34), car ils pressentent un pain plus grand que celui qui nourrit le corps. Et Jésus de leur annoncer que le nouveau pain est sa chair que nous pourrons manger (6, 48-58). Effrayé par cette perspective anthropophagique (6, 52), la plupart des disciples quittent Jésus (6, 66) tandis que Pierre y adhère sans bien comprendre encore comment il mangera le corps de son maître : « A qui irions-nous Seigneur ? Tu as les paroles de la vie éternelle » (6, 68).

Cette lecture est juste mais elle oublie toute la première partie du discours (6, 35-47). En effet, à aucun moment dans cette première partie, Jésus ne parle de manger sa chair. Il y affirme uniquement deux choses centrales : « Je suis le pain de vie » (6, 35) et « Je suis descendu du ciel » (6, 38). Que signifie : « Je suis le pain de vie » ? Jésus vient de multiplier les pains pour une foule affamée. C’était un signe : de même que l’on dépend de la nourriture, de même notre vrai bonheur est à attendre du Christ. Si Jésus affirme qu’il est le vrai pain, c’est pour nous dire que c’est lui qui emplira véritablement notre cœur, qui nous donnera le vrai bonheur, celui dont nous rêvons tous. Cette promesse repose sur une condition : croire en lui : « Celui qui vient à moi n’aura jamais faim, celui qui croit en moi n’aura jamais soif » (6, 35). Pour recevoir la vie du Christ, il est nécessaire de croire qu’il vient de Dieu, que Dieu le Père l’a envoyé, qu’il est Dieu lui-même. C’est bien là-dessus que buttent les juifs, faisant remarquer à Jésus qu’il est surtout fils de Joseph (6, 42).

Dans la deuxième partie de son discours (6, 48-58), Jésus nous explique comment il nous transmet sa vie. C’est par sa mort que cela est rendu possible : « Le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour la vie du monde » (6, 51). Par la croix, Jésus a pris sur lui la mort ainsi que tout le mal du monde pour nous donner la vie. Et il nous invite à croire à ce mystère : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle » (6, 54). Par cette phrase, il nous dit : celui qui croit dans le sacrifice de la croix, reçoit la vie éternelle. En somme, le sens littéral du discours du pain de vie est le suivant : nous recevons la vie par la foi en Jésus, Dieu fait chair, mort sur la croix par amour pour nous.

Est-ce à dire qu’aucune lecture eucharistique n’est possible ? Non, bien sûr, puisque la mention de manger le corps du Christ et boire sa chair est une allusion claire au récit de la Cène : ce sont en effet les seuls endroits dans les évangiles où l’on parle de son corps et de son sang. Ce texte nous dit donc que l’eucharistie vient nous nourrir spirituellement. Mais la lecture eucharistique ne doit pas être séparée du sens littéral du texte : c’est en tant que j’ai foi en Jésus, Dieu fait chair, mort pour moi, que la communion porte tous ses effets dans mon cœur.

Cette découverte de l’imbrication des 2 lectures peut nous guider dans ces dernières semaines d’attente avant de vivre la messe. Prenons le temps de nourrir notre foi afin que le jour où nous pourrons communier à nouveau, ce soit comme une première communion. C’est pourquoi la paroisse a mis en place 24h d’adoration par semaine à partir du 11 mai, et qu’elle propose la confession. Passons du temps à l’Eglise à contempler Jésus hostie qui veut se donner à nous et qui se donne déjà à nous. Demandons-lui de faire croître notre désir de le recevoir, de purifier notre cœur, de faire grandir notre foi et notre compréhension du mystère immense de l’eucharistie. Allons nous confesser pour mettre derrière nous tous nos manques d’amour et de foi, afin de communier avec un cœur renouvelé.

Olivier de Petiville