Ce temps de confinement m’invite à vous partager quelques points de réflexion sur notre rapport à l’Eucharistie :
- Ne pas communier a pour la plupart des chrétiens pratiquants été une expérience nouvelle : fidèles depuis toujours ou depuis longtemps, ils ont découvert ce fait de ne pas pouvoir communier.
- Leur fidélité à l’égard de la célébration de l’Eucharistie n’a pas pour autant été remise en cause ; grâce aux différents outils de communication (télévision ou internet ; ou même RCF pour ceux n’ayant pas la télévision ou internet) la plupart des chrétiens pratiquants l’ont été « autrement », restant présents au rendez-vous du dimanche. Certains même davantage : avec le temps libre qu’ils ont eu et un besoin de prier, certains ont découvert la messe en semaine et y sont fidèles.
- Il est bien évident cependant que regarder la messe sur un écran n’est pas facile, que l’on est facilement distrait, qu’outre le sacrement de l’Eucharistie la communauté manque (d’où pour beaucoup une quasi nécessité de rejoindre une communauté concrète qu’ils connaissent, par les réseaux)
- Je ne sais si sur la durée il n’y aurait pas une lente érosion du nombre de personnes fidèles par les écrans ; et si aussi cela n’impactera pas le retour à la pratique puisque certains découvrent cela comme un bon moyen de « suivre » la messe … (avec des enfants parfois plus sages !!)
- Je voudrais davantage me pencher sur le fait de ne pas communier :
- Certains partagent ne pas en souffrir particulièrement : assidus à la messe par les écrans et décidés à la rester tant que cela ne peut être autrement, soulignant le manque d’une communauté qu’ils aimeraient retrouver dès que possible, ils disent avec un peu d’étonnement que l’Eucharistie en tant que sacrement ne leur manque pas ; ils font confiance à la puissance de la communion de désir ; ils croient que Dieu les rejoint dans la foi. A ceux-là je dirais :
- C’est une très belle expérience que de croire que Jésus est là dans la foi. Lui qui dit : « Celui qui vient à moi n’aura plus jamais faim, celui qui croit en moi n’aura plus jamais soif ! » (Jn 6,35)
Cependant, attention à ne pas lentement « glisser » vers une foi gnostique, manquant de réalisme, de concret qui partirait de vous ; ce n’est pas la puissance de votre prière et de votre foi qui vous met en communion avec Dieu mais c’est Dieu qui vient à vous dans l’humilité d’un peu de pain …
- Certains se rendent compte qu’ils communiaient machinalement, comme des « ayant droits », des habitués, considérant normal que l’Eucharistie soit célébrée à l’heure qu’ils veulent, par qui ils aiment et pas loin de chez eux … A ceux-là je dirais :
- Bienheureuse grâce du confinement qui nous bouscule : l’Eucharistie est un don immense ! Comment davantage vous y préparer chaque dimanche ?
- Certains sont très impatients de communier ; ils seraient prêts à manifester pour cela et se mettent dans un rapport de force avec les politiques … Cette impatience est belle ; elle exprime notre foi en l’Eucharistie. Mais à ceux-là je dirais :
- Attention : l’Eucharistie ne peut servir de prétexte à se diviser ; elle reste un don ; et si c’est pour ce cas aux Evêques de discerner ce qu’ils ont à demander au gouvernement, il me semble qu’il nous appartient de demeurer dans la paix et dans l’attente ; l’Eucharistie n’est pas un « en soi » ; l’enjeu de la vie chrétienne demeure d’être uni au Christ et d’aimer nos frères et cela reste plus que possible … De cela nous devons témoigner
- D’autres ont découvert, avec beaucoup de joie, une liturgie plus familiale ; ou encore la place de la Parole de Dieu ; ou aussi des Eucharisties plus « gratuites » ou plus calmes où l’on va non pas pour retrouver des personnes mais pour le Christ … A ceux-là je dirais :
- C’est une belle expérience ! Oui, il y a bien d’autres manières de prier ; l’Eucharistie reste le sommet de la vie de l’Eglise mais il ne peut y avoir de sommet s’il n’y a pas des chemins pour y conduire, des moments de pause dans nos vies avant d’être au sommet, une invitation à partager de manière concrète avec des proches … Sachez ne pas oublier toutes ces manières de prier ! Continuez de développer le goût de la Parole de Dieu et de la prière en famille si cela est possible …
- D’autres soulignent qu’ils expérimentent ce que beaucoup vivent en ne pouvant communier : Asia Bibi est restée très longtemps fidèle sans pouvoir communier (et sans regarder la messe sur un écran) et ainsi tant de chrétiens persécutés; d’autres ne peuvent communier car ils sont malades, trop loin d’une communauté ou parce qu’il n’y pas de prêtres …
Il est bon d’expérimenter que l’Eucharistie nous met en lien avec d’autres chrétiens qui souffrent de diverses manières et ne peuvent communier … A ceux qui ont davantage pris conscience de cela, je dirais :
- C’est une grâce car là aussi cela donne d’expérimenter que l’Eucharistie est avant tout un don ; que nul n’y a droit ; que toute Eucharistie implique de prier en communier avec ces frères et ces sœurs qui ne peuvent communier … Et que lorsque mon désire d’aller à la messe est moins fort, je ne peux que réaliser que d’autres ne peuvent y aller ! A l’avenir ce sera une grâce de se rappeler de ce temps de confinement aux jours où le désir me manquerait !
- D’autres encore partagent être en lien avec ceux qui ne peuvent communier pour des raisons de vie morale … A ceux-là je dirais :
- Oui, c’est aussi une belle prise de conscience qui nous rappelle à notre indignité : de fait, moi pécheur, je suis peu digne de communier et c’est par miséricorde que Dieu l’en fait la grâce …
- Enfin, d’autres ont davantage saisi que nous étions appelés à communier au Christ non seulement par la communion spirituelle mais aussi par le service du frère ; « ce que tu as fait à l’un de ces plus petits, c’est à moi que tu l’as fait » dit Jésus ; ils en ont fait l’expérience au cours de ce confinement en allant à la rencontre des plus pauvres ou simplement d’une voisine ou d’un enfant qui met à bout … ; à ceux –là je dirais :
- Puissiez-vous continuer de rencontrer le Christ dans celui qui vous dérange !
Il y a certainement d’autres situations intérieures … N’hésitez pas à me les partager …
Pour conclure :
Je crois que tous nous sommes invités à demander au Seigneur de purifier et de cultiver notre soif de l’Eucharistie et des sacrements … de redécouvrir l’Eucharistie comme un don immense …
Il nous appartient non pas simplement de préparer une nouvelle première communion mais notre vie eucharistique et sacramentelle pour la suite de notre vie … Cette « grande retraite » n’aura alors pas été vaine, loin de là !
Il nous appartient aussi de réaliser que l’Eucharistie ne peut être une parenthèse dans notre semaine ; car c’est à une vie eucharistique que nous sommes appelés ! Une vie offerte à Dieu et aux hommes, une vie où nous sommes envoyés en mission, une vie où Dieu est le pivot, la source …
Que le Seigneur nous y aide !
Pour cela, je ne peux que vous encourager, si vous le pouvez, à adorer le Seigneur dans l’Eucharistie … Ou là aussi si vous le pouvez à aller prier devant un tabernacle …
Courage et paix à chacun !
Père Patrice Guerre, curé de l’ensemble Saint-Pothin Immaculée Conception