Que signifie pour Jésus « être habile » ? L’évangile de ce vendredi, la parabole du gérant malhonnête (Luc 16,1-8), fait souvent difficulté parce qu’elle semble donner en exemple un filou. Or Jésus qualifie ce gérant de trompeur, de malhonnête. Ce n’est donc pas un jugement moral sur ses actes que fait Jésus en soulignant l’astuce de ce gérant malhonnête, mais la reconnaissance d’un savoir-faire, de son habileté.

Alors quelle est cette habileté qui fait défaut aux « fils de la lumière » ?

Deux points attirent mon attention en lisant ce texte.

Tout d’abord, la parabole du gérant malhonnête est propre à l’évangile selon saint Luc et s’adresse aux disciples. Elle vient immédiatement après trois paraboles adressées aux pharisiens et aux scribes et un peu plus tard, Jésus va de nouveau s’adresser aux pharisiens pour leur raconter la parabole du riche et de Lazare. C’est donc aux disciples, à nous, qu’est adressée cette parabole du gérant malhonnête, dans le contexte de ce que Jésus dit aux pharisiens et aux scribes.

Ensuite, c’est le terme d’habileté que je cherche à bien comprendre. Le gérant a agi avec habileté, en homme avisé. Ce même qualificatif avait été utilisé par Jésus lorsque, répondant à Pierre, il lui avait dit : « Quel est donc l’intendant avisé et digne de confiance que le maître nommera responsable de ses gens pour leur donner leur ration de blé en temps voulu ? ». Le même terme qualifie le serpent de la Genèse, le plus « rusé » de toutes les bêtes des champs. L’habileté du gérant, c’est son savoir-faire, son astuce, sa ruse. Jésus constate, il ne complimente pas. Et il remarque qu’hélas, nous ne sommes pas du tout aussi astucieux avec nos contemporains en ce qui concerne la vie éternelle que nous le sommes pour nos intérêts temporels. Car nous sommes à la fois fils de la lumière et fils de ce monde. Notre savoir-faire dans nos affaires avec nos contemporains ne trouve pas son équivalent dans le témoignage que nous donnons de notre vie spirituelle.

Faut-il, pour être habiles, faire des compromis avec l’honnêteté, comme notre gérant ? Ce n’est pas ce que demande cet évangile. Mais, comme nous le disons dans le Notre Père, nous sommes invités à remettre les « dettes ». Cette parabole montre au pécheur que nous sommes qu’il n’y a pas à réclamer à autrui toute la dette du Maître.

Cet évangile est un appel à déployer notre vie spirituelle pour en vivre concrètement dans nos rapports humains, en accueillant la miséricorde du Père. Jésus nous invite à transcrire dans nos vies un savoir-faire de compassion et de charité.

 

Bertrand de Montlcos, diacre permanent.