Invité à Vivre !

 

L’un est pressé d’aller au champ, l’autre de s’occuper de ses bœufs, le dernier de se marier… tous ont une bonne raison de refuser l’invitation à dîner qui leur est faite !

Et moi ? En ces premiers jours de nouveau confinement, quel est l’état de mon âme ? De la résignation sans aucun doute, le sens du devoir peut-être, la nécessité d’être solidaire certainement, mais aussi l’angoisse face aux lendemains incertains, le doute, l’incompréhension voire la colère devant ces mesures qui n’en finissent pas d’entraver ma liberté d’aller et venir, ma liberté de travailler et d’entreprendre, ma liberté de retrouver mes amis, ma famille, de célébrer l’eucharistie avec mes frères et mes sœurs … Autant de bonnes raisons de me replier sur moi-même, de baisser le rideau, comme ces commerces de centre-ville, en attendant des jours meilleurs dans six semaines, trois mois, un an …. Nul ne sait ! Autant de petites morts … alors, Seigneur, pourquoi répondrai-je à ton invitation, crois-tu que j’aie le cœur à la fête ?

Et puis, il y a autour de moi la réalité de l’épidémie que j’avais cru pouvoir effacer et qui me rattrape, qui touche mes amis, ma famille, l’inquiétude pour les malades, la douleur de perdre un être cher … Et que dire des attentats qui ensanglantent notre pays, de ce monde qui devient fou à force de haine et de violence ! Non Seigneur, l’heure n’est pas au joyeux dîner !

C’est alors Seigneur, mon doux Seigneur, que tu t’approches à pas de velours de mon âme affligée pour me murmurer dans un soupir d’amour :

Mon bien-aimé, n’as-tu pas compris depuis le temps ? Tu t’évertues à vouloir te passer de moi, à vouloir vivre sans moi, à m’écarter du monde … tu crois que tu as toutes les cartes pour avancer dans la vie sans moi, jusqu’à croire avec certains que la mort est morte par la force de la technologie… Mais je t’aime mon bien-aimé et la Vie, c’est moi qui te la donne, ton énergie, c’est moi qui en suis la source, tes blessures, c’est moi qui les panse, tes fragilités, c’est moi qui les porte, tes faiblesses, c’est moi qui les comble et la mort, c’est moi qui l’ai vaincue en mourant sur le bois de la Croix. Il n’est nul lieu de solitude, de peur, d’angoisse, nul lieu de mort où je ne sois allé avant toi pour être avec toi.

Mon bien-aimé, garde courage, espère, crois ! En mon Fils, la mort est déjà vaincue, le mal est déjà vaincu !

Mon bien-aimé ne cherche pas à vivre par toi-même, ne cherche pas uniquement dans tes propres forces le courage de vivre mais abandonne-toi et viens, je t’invite à vivre en moi et moi en toi ! Mon bien aimé, tu n’es pas seul ; depuis toujours, je t’espère, je t’attends pour te donner de partager ma Vie.

Mon bien aimé, je t’ai donné mon Fils comme frère, je t’ai donné mon Esprit, afin que tu trouves la force de vivre et de grandir dans l’Espérance, la Foi et la Charité.

Mon bien-aimé, je n’ignore aucune des épreuves que tu traverses, je n’ignore aucune des misères que tu peux connaître, mais je t’invite à aimer comme je t’aime, à servir comme je te sers, à pardonner comme je te pardonne, à espérer comme je t’espère, à faire confiance comme je te fais confiance ! Là est la Vie ! Là est déjà mon Royaume !

Mon bien-aimé, tu as un Père qui t’aime pour toujours et à jamais. Alors viens ! N’attends pas ! Viens avec ce que tu es, avec ce que tu portes en toi de laid et de beau, de fragile et de fort, de ténèbres et de lumières, de peines et de joies, de petit et de grand, de peur et d’audace, de lâcheté et de courage. Je prends tout, j’accepte tout ! Fais-moi confiance !

Mon bien-aimé, je t’ai créé parce que je t’aime. Alors viens …. Vivre !

Frédéric Subra, diacre permanent