Chers frères et sœurs,

 

Nous célébrons aujourd’hui cette belle fête de la Sainte Trinité dont nous marquons chacune de nos journées en faisant simplement notre signe de croix …

Ce qui nous émerveille dans la Trinité c’est son unité : les 3 ne font qu’un, une unité parfaite ; cette unité que nous recherchons tant, nous la contemplons en eux ; nous la demanderons pour notre Eglise : « Conduis-la vers l’unité parfaite ». Dire qu’un seul Dieu est un n’est en soi pas étonnant ; mais que les 3 ont une seule volonté où chacun se soumet à l’autre, une seule intelligence ; voilà le mystère …

Et ce qui nous émerveille aussi c’est l’égalité parfaite des 3 : nous la professons pour le Saint –Esprit : « Avec le Père et le Fils, il reçoit même adoration et même gloire » …

Alors qu’est-ce que la Sainte Trinité peut nous dire à nous aujourd’hui ?

 

Nous venons de goûter une parenthèse étonnante, un moment où tout semblait s’être arrêté : plus de la moitié des habitants de la terre en confinement, des avions cloués au sol, des routes et des autoroutes presque vides …

Le monde en son agitation incessante, forcé de dire « stop » ; le temps comme suspendu là où il était en accélération permanente …

« Beaucoup ont entendu de nouveau les oiseaux et ont pu observer l’arrivée du printemps … » écrit Mgr de Moulin Beaufort dans la lettre qu’il vient d’écrire au président de la République intitulée « Le matin, sème ton grain »

 

Cependant le retour au réel, le temps du dé-confinement n’est pas simple pour beaucoup : Je voudrais pointer 3 attitudes, 3 difficultés

 

1°) Certains ont la nostalgie de ce temps arrêté ; avoir pris soin de soi, expression si souvent partagée, avait du bon ; ils rêvent d’un jardin où ils ont été ou d’une cabane.

Pourtant si la Bible commence par un jardin, elle se termine bien par une ville, la Jérusalem nouvelle, rassemblant une foule immense d’hommes et de femmes, telle que l’Apocalypse nous la décrit …

Ce mouvement du jardin à la ville dit bien que nous sommes appelés à la relation …

Je pointe là un danger de repli sur soi ou d’individualisme.

Individualisme et repli sur soi provoqués par la contamination de ces mots si souvent serinés : geste barrière, distanciation sociale, protection, sans parler du masque qui isole …

 

2°) Je l’ai plusieurs fois partagé : notre monde courait vers un burn-out, sans même savoir où il allait, à la recherche d’un homme augmenté, immortel, d’un homme qui aille plus vite, plus loin sans penser qu’il puisse être arrêté par un simple virus invisible et pour une part mystérieux …

Ce monde, dont la course a été stoppée un instant, risque de repartir, peut-être pas vers un burn-out mais vers une dépression, une lassitude, car « à quoi bon courir, de fait ? » qui peut entraîner une certaine paresse.

Tous nos efforts peuvent si vite être mis à mal : nous sommes tous vulnérables, à la merci d’un grain de sable qui peut enrayer toute la machine …

Si la dépression est un mal subi, l’acédie est un péché, voisin de la paresse.

Je guette ce danger d’un don de soi freiné, suspect et là aussi d’un certain individualisme.

 

3°) Une autre attitude, plus sage est de s’interroger : comment ne pas retomber dans la course folle de nos vies tout en conservant des temps de pause … En fait tout en conservant le sens du dimanche …

Je crois que cela passe par une décision et en premier lieu par des temps de prière réguliers … Le danger serait là aussi de rêver et de ne pas prendre de décision …

 

Chers frères et sœurs, je crois que la fête de la Sainte Trinité nous donne une très belle réponse devant ces 3 attitudes, ces 3 dangers que je viens de pointer :

 

 

Parce que la sainte Trinité c’est la danse joyeuse du Père, du Fils et de l’Esprit Saint, chacun tout entier tourné vers les deux autres, sans calcul ni retenue, dans la louange et l’abandon … !

Ni individualisme ni repli sur soi dans la Trinité :

Le Père est Père en étant tout entier donné à son Fils !

Le Fils se reçoit du Père pour lui répondre en se donnant à lui pleinement !

Le Saint-Esprit est le fruit de ce don mutuel et il est lui aussi souffle perpétuel vers le Père et vers le Fils !

La Trinité ne s’épuise pas dans le don d’elle-même car chacun de la Trinité se reçoit de l’autre, chacun rend grâce infiniment pour le don qui lui est fait et le don qu’il fait de lui-même en retour est une réponse totale, simple, une réponse joyeuse ! Aucune acédie, aucune paresse dans le don que les 3 se font …

 

L’évangile de ce dimanche de la Trinité nous a fait entendre cette parole si dense : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils … » (Jn 3,16) : le Père nous a fait le don de son Fils unique … Il l’a vraiment donné !

Puissiez-vous aujourd’hui entendre à nouveau comme une bonne nouvelle cette parole de l’Ecriture : le Père nous a fait le don de son Fils, il nous l’a donné et il ne le reprendra pas, il l’a donné totalement et celui-ci se livre à nous car il ne refuse d’être donné …

 

Chers frères et sœurs, il nous est bon de contempler en ce dimanche le visage que Dieu nous a révélé de lui-même : un Dieu qui trouve sa joie dans le don qu’il fait de lui-même …

Alors que nous pouvons être tenté par un certain repli sur nous-mêmes nous célébrons la fête de la Trinité qui fait l’éloge du don …

La fête du Saint-Sacrement, dimanche prochain, ce sera le sommet du don de cette Trinité Sainte à l’humanité, la plénitude de l’Amour des « Trois » qui se livrent tout entiers dans ce qu’il y a de plus fou, une hostie livrée, un sang versé …

 

Ici, un point d’attention : j’entends les mères de famille me dire qu’il leur arrive d’être épuisées, je parle d’elles puisque nous les fêtons en ce dimanche …

Se donner ne signifie pas s’épuiser ; le mot « épuiser » est très intéressant puisqu’il signifie qu’il n’y a plus rien dans le puits, qu’il n’y a plus d’eau vive …

Se donner ne signifie pas s’épuiser

Tout d’abord il est légitime de se détendre ; c’est même une vertu que l’on appelle l’eutrapélie, la capacité de se détendre …

Se détendre comme le signifie le verbe c’est sortir de la tension, qu’il s’agit de dé-tendre

Mais il y a bonne et moins bonne détente …

Chacun pourra y réfléchir …

Disons qu’une bonne détente ouvrira à l’émerveillement, à la louange …

Regardez la sainte Trinité perpétuellement dans la louange …

Je ne suis pas sûr qu’une heure pour critiquer son voisin ou le gouvernement détende vraiment …

Pour se donner, il faut un rythme à trois temps : j’apprends à recevoir mais je ne me donne pas ensuite comme un canal qui se vide aussitôt …

Après avoir reçu je m’approprie le don reçu, je nourris mon puits intérieur, je rends grâce pour ce que j’ai reçu, la vie donnée, puis comme une vasque qui déborde naturellement je me donne simplement dans le concret de ma vie, là où le Seigneur m’attend …

 

Apprendre à se donner à l’image de la Trinité Sainte, c’est ce que nous aimons chanter dans la prière scoute de Saint Ignace :

Apprenez-nous à être généreux, à donner sans compter

Ou dans une prière de Saint François : Seigneur fais de moi un instrument de ta paix car c’est en se donnant qu’on reçoit …

 

Se donner à l’image de la Trinité Sainte : la 1° lecture nous dit même davantage puisque le visage de Dieu n’est pas seulement don, il est pardon, don au-delà du don : Dieu tendre et miséricordieux, lent à la colère et plein d’amour …

 

Chers frères et sœurs, cet éloge du don n’est pas un appel à serrer les poings et à faire … et à faire encore plus, il est d’abord et avant tout une invitation à rendre grâce pour le don que le Père nous fait de son Fils et une invitation à la réponse simple et joyeuse qu’il espère de nous : lui faire le don de notre vie, l’aimer de tout notre cœur, de toute notre âme, de tout notre esprit, de toute nos forces, autrement dit nous abandonner entre ses mains … et aimer notre prochain …

Car don et abandon ont la même racine …

Chers frères et sœurs, au sortir de ce confinement, c’est à un don simple et joyeux de votre vie que je vous invite !

 

Dans quelques instants, Bartimée va recevoir le don du baptême, le don du Fils tout entier donné pour lui … Que le Seigneur nous donne comme à Bartimée d’ouvrir nos yeux sur nos enfermements, sur notre individualisme , que nous puissions tout donner jusqu’à notre manteau, ce qui nous protège pour le suivre dans la louange avec tout le peuple de Dieu.

 

Amen

Père Patrice Guerre, curé de l’ensemble paroissial Saint-Pothin – Immaculée Conception