Chers frères et sœurs, demeurons dans la joie du don !

 

Nous avons goûté à un arrêt sur image, une parenthèse étonnante, un moment où tout semblait s’être arrêté : plus de la moitié des habitants de la terre en confinement, des avions cloués au sol, des routes et des autoroutes presque vides …

Le monde en sa circulation permanente, en son agitation incessante, forcé de dire « stop » ; le temps comme suspendu là où il était en accélération permanente …

« Beaucoup ont entendu de nouveau les oiseaux et ont pu observer l’arrivée du printemps … » (Mgr de Moulin Beaufort)

Une expérience profondément biblique en somme que nos frères juifs appellent le sabbat et qui pourrait nous inviter à rêver d’un dimanche par mois confiné pour tous …

 

Cependant le retour au réel n’est pas simple pour beaucoup : la nostalgie de ce temps arrêté, « d’avoir pris soin de soi », expression si souvent partagée, d’avoir profité ou d’avoir rêvé d’un jardin laisse des traces …

Ce jardin où commence la Bible alors que celle-ci se termine par une ville, la Jérusalem nouvelle …

Ce mouvement du jardin à la ville dit bien que nous sommes appelés à la relation …

 

Je l’ai partagé : notre monde courait vers un burn-out, sans même savoir où il allait, à la recherche d’un homme augmenté, d’un homme qui aille plus vite et plus loin sans penser qu’il puisse être arrêté par un simple virus invisible et pour une part mystérieux …

Ce monde, dont la course a été stoppée un instant, risque de repartir, peut-être pas vers un burn-out mais vers une dépression, une lassitude, car « à quoi bon courir, de fait ? » …

 

Je guette alors un danger d’individualisme, de repli sur soi car tous nos efforts peuvent si vite être mis à mal : nous sommes tous vulnérables, à la merci d’un grain de sable qui peut enrayer toute la machine …

Individualisme et repli sur soi provoqués par la contamination de ces mots si souvent serinés : geste barrière, distanciation sociale, protection …

Individualisme et repli sur soi car cela est plus simple, moins fatigant …

 

Pardon pour ce tableau quelque peu noirci et qui ne correspond pas à tous !

Or nous sommes profondément faits pour le don …

 

  • La fête de la Sainte Trinité

 

La Trinité c’est la danse joyeuse du Père, du Fils et de l’Esprit Saint, chacun tout entier tourné vers les deux autres, sans calcul ni retenue, dans la louange et l’abandon … !

Le Père n’est que Père en étant tout entier donné à son Fils !

Le Fils se reçoit du Père pour lui répondre en se donnant à lui pleinement ! Il se sait parfaitement égal au Père …

Le Saint-Esprit est le fruit de ce don mutuel et il est lui aussi souffle perpétuel vers le Père et le Fils !

La Trinité ne s’épuise pas dans le don d’elle-même car chacun se reçoit de l’autre, chacun rend grâce infiniment pour le don qui lui est fait et le don qu’il fait de lui-même en retour est une réponse totale, simple (c’est-à-dire sans pli, sans complication …), joyeuse !

 

L’évangile de ce dimanche de la Trinité nous a fait entendre cette parole si dense : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils … » (Jn 3,16) : le Père nous a fait le don de son Fils unique … Il l’a vraiment donné !

 

La fête du Saint-Sacrement, dimanche prochain, c’est le sommet du don de cette Trinité Sainte à l’humanité, la plénitude de l’Amour des « Trois » qui se livre dans ce qu’il y a de plus fou, une hostie livrée, un sang versé …

C’est la fête du don infini, sans retour, infiniment fragile et risqué de la part de Dieu qui n’a d’autre désir que de nous diviniser …

Laissons-nous toucher intérieurement par ces deux fêtes …

 

  • La prière, une école du don

 

J’ai été marqué cette semaine par le témoignage du père de Maÿline, cette jeune fille sauvée de la mort par l’intercession de Pauline-Marie Jaricot.

Maÿline, en 2012, âgée de 3 ans, en petite section, s’étouffe ayant pris un bout de saucisse qui se coince dans sa gorge et est annoncée comme condamnée à mourir par les médecins : la prière simple et fervente de ses parents, de nombreux membres du rosaire vivant, de toute l’école de Maÿline (le Cours Diot) qui fait une neuvaine à Pauline Jaricot, invoque la bonté de Jésus. Maÿline se rétablit et cela de manière extraordinaire au dire des médecins …

Le papa de Maÿline n’était pas baptisé : Pauline est missionnaire ! Elle est allée chercher une « brebis perdue » ; il a tout de suite prié lorsque sa fille s’étouffait et a été baptisé en 2016.

Maÿline en moyenne section répond à la maîtresse qui demande qui connaît Jésus : « Je le connais, il m’a sauvé ! »

Ces guérisons nous invitent à nous donner vraiment dans la prière … le Seigneur nous encourage !

Il n’y qu’un commandement : Aimer le Seigneur de tout son cœur, de tout son esprit, de toutes ses forces et de toute son âme …  et aimer son prochain comme soi-même !

Le « tout » demande … tout !

 

  • Nous sommes appelés à un amour sans calcul …

 

A la demande du scribe qui cherche à connaître quel est le premier des commandements, Jésus répond : « … Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit et de toute ta force.  Et voici le second : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Il n’y a pas de commandement plus grand que ceux-là. » Le scribe reprit : « Fort bien, Maître, tu as dit vrai : Dieu est l’Unique et il n’y en a pas d’autre que lui. L’aimer de tout son cœur, de toute son intelligence, de toute sa force, et aimer son prochain comme soi-même, vaut mieux que toute offrande d’holocaustes et de sacrifices. »

La scribe répète ce que Jésus dit et il ajoute : cela vaut mieux que toute offrande d’holocaustes et de sacrifices … C’est signe que cette question des holocaustes et sacrifices était au fond de son cœur.

Aimer ne peut se réduire à faire monter des holocaustes et des sacrifices, à comptabiliser ce que je donne, à cocher une case sur ce que j’ai fait … Jésus demande tout et cela est donc sans calcul ! Il ne vise rien d’autre qu’un amour divin, un amour sans limite et sans fin …

Notre société peut être tentée de suspecter le don trop généreux, de vouloir confiner l’amour à ceux qui nous sont proches, d’inviter à la prudence pour ne pas perdre ses forces …

Certes ma capacité à me donner ne peut être dissociée de ma capacité à recevoir (je ne suis pas celui qui sait tout !) et surtout à la nécessité d’intérioriser le don reçu notamment par l’action de grâce qui me donne de remplir ma vasque intérieure qui alors se déversera par surabondance …

Mais le don de nous-mêmes reste profondément ce qui nous rend heureux ! Un don simple, gratuit, animé par la confiance et l’action de grâce …

« L’homme seule créature sur terre que Dieu a voulu pour elle-même ne peut pleinement se trouver lui-même que par le don sincère de lui-même » (Concile Vatican II)

Voilà ce que je souhaite à chacun et à notre paroisse ! Que chacun de nous puisse goûter la joie du don, à l’image de la Sainte Trinité !