Parole et Commandements

 

Si je garde sa Parole, alors je garderai ses commandements.

Il n’y a pas de plus grand amour de Jésus que de garder sa Parole en nos cœurs.

Car sa Parole est Vie, elle est performatrice. Elle fait en moi ce qu’Elle dit : elle est tranchante comme le glaive, va jusqu’à la moelle de mon être (He 4,12), ne revient pas sans avoir accompli sa mission. Et quelle est la Mission de la Parole en moi ? Mais celle de la sainteté, de la sanctification.

Marie, notre Mère, gardait toutes les paroles de son fils dans son cœur et les méditait.

 

Monseigneur Barbarin, bien des fois, nous lançait un défi, une supplique : « Combien je souhaiterais que vous puissiez apprendre par cœur les Béatitudes, la charte de la vie chrétienne ! » Qui de nous pourrait sincèrement réciter (peu importe l’ordre) les huit béatitudes (Mt 5) ? Pas comme un perroquet, mais « par cœur », par le cœur, goûtant à chacune d’elles comme un fruit amer et si doux à la fois  fait pour nous conduire à la Joie parfaite dont parle saint François d’Assise. « Je vous ai dit tout cela pour que ma joie soit en vous, et que vous soyez comblés de joie » (Jn 15, 11) :

« Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, le royaume des Cieux est à eux. » …

«Heureux les cœurs purs, ils verront Dieu » Entendons-nous ? Heureux les cœurs purs, ils verront Dieu ! Que pourrions-nous espérer de plus grand ? Si ce n’est voir Dieu. Eh bien, cela nous est offert si nous cherchons à veiller à la pureté de notre cœur, à ne pas le laisser envahir et salir par toutes sortes de pensées, d’envies, d’idées absurdes, mortifères, vengeresses, etc. 

 

Celui qui chercherait à garder les commandements du Seigneur sans chercher à accueillir, à se laisser inhabiter par sa Parole, se casserait la figure. Car où puisera-t-il la force, l’énergie pour « tenir les commandements » ? S’y tenir par la force du poignet ? Il s’y épuiserait. Le volontarisme le plus ambitieux n’y parviendra pas.

 

Il est une voie d’accès rapide et sûre. Un peu, à la manière de Sainte-Thérése de l’Enfant-Jésus, il est un ascenseur qui nous permet d’aboutir sans grands efforts, sans efforts surhumains :  Il s’agit de faire comme la Vierge Marie : Manduquer la Parole, s’en nourrir, la ruminer, l’apprendre « par le cœur ».

Nous le voyons bien : son Magnificat est comme un tableau, une tunique sans couture, où défilent, se déroulent et s’entrelacent en un fil continu un florilège de citations ou références de l’Écriture Sainte. Tout remonte, dans sa joie et son exultation, en un chant qui jaillit sous l’impulsion de l’Esprit-Saint.

« L’Esprit Saint vous enseignera tout et vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit. » A ce moment là, c’est comme si la Parole de l’Écriture Sainte la submergeait, refluait et débordait à profusion de sa bouche, de son esprit, de son âme et de son corps. Tout en Elle est comme transfiguré par la Parole longuement, lentement, fidèlement assimilée, et qui brusquement fait surface et saisit tout son être.

 

« Faites tout ce qu’Il vous dira » (Jn 2, 5); en d’autres termes, « Écoutez-le »,  avant de faire. (cf. Lc 9,35). 

Si vous l’écoutez, si vous entendez, recevez ses Paroles, vous pourrez  faire : L’écoute précède le faire. Donne la capacité de faire. 

« Vous ferez les mêmes œuvres que moi, et vous en ferez de plus grandes » (Jn 14, 12).

 

La parole accueillie, gardée, « mon Père et Moi viendrons établir notre demeure en lui » (Jn 14, 23).

Quand des idées tordues nous assaillent, de jour comme de nuit, acquérons le réflexe d’attraper l’évangile, ou plus particulièrement les psaumes et, par exemple, lisons trois psaumes lentement de suite. Puis rendormons-nous. La Parole aura combattu à notre place, et nous redonnera la Paix. Les psaumes sont les textes même que le Christ priait, ne l’oublions pas. Ils sont d’un précieux et puissant secours quand le tumulte tente de s’installer.

 

Quand la Parole habite mon cœur, elle le transforme. Elle transforme aussi mon esprit car elle entraîne toujours avec elle, dans son sillage, l’Esprit Consolateur, l’Esprit de Vérité qui redresse ce qui est faussé, rend droit ce qui est tordu, réchauffe ce qui est froid, purifie et éclaire mieux que ne le ferait aucune parole humaine, ou bavardage.

Et c’est parce que la Parole transforme en profondeur, qu’elle me donnera, par conséquence, parmi ses fruits (l’espérance, la foi, la charité) de vivre d’une manière cohérente, reconstruite, unifiée, respectueuse de ma dignité et de celle de mes prochains. Oui, il ne me viendra même plus à l’idée de voler, de commettre l’adultère, de tuer, de mentir, de prendre la femme de mon voisin, d’être parjure, …cf. les dix commandements (Ex 20).

 

Les dix Commandements qui sont, dans la Bible, non pas des « articles de loi » mais dix « paroles » : qui révèlent le portrait   non pas de qui s’acharnerait à vouloir les suivre, comme un code de la route, mais celui de qui aura mis en application le premier d’entre eux, qui les précède tous : « Ecoute le Seigneur, ton Dieu » (Dt 6,4).  « Prête l’oreille de ton cœur » (cf. Pr 22,17)

Si tu ouvres ton cœur au murmure suppliant de ton Créateur, alors tout sera créé, recréé en toi.

« Ecoute la voix du Seigneur, prête l’oreille de ton cœur, qui que tu sois ton Dieu t’appelle, qui que tu sois, il est ton Père » dit le chant.

 

La Croix, Parole ultime.

Sœur Anne Lécu décrit, médecin en milieu carcéral, ces détenues qui, à la chapelle, sont bouleversées à la vue de la Croix, et se précipitent pour l’embrasser, l’enlacer longuement.

« Parole » qui dit jusqu’où l’amour de Jésus est venu nous chercher, nous rejoindre pour nous dire à chacun, quoi que nous ayons fait, si nous le lui offrons : « Ce soir, avec moi tu seras au paradis. » (Lc 23 , 43)

Jésus, le Verbe qui était au commencement auprès du Père, le Verbe par qui rien de ce qui s’est fait ne s’est fait sans Lui, est venu parmi les siens. Et Il a donné à ceux qui accueillent sa Parole, ses paroles (« mes paroles ne sont pas mes paroles, mais celles de mon Père qui m’a envoyé, et qui m’a commandé tout ce que je devais dire. »(cf. Jn 12, 49 ; 14, 24) ) de devenir enfants de Dieu. Et, du coup, de vivre en enfants de lumière, fidèles à ses commandements.

 

Ne nous épuisons pas à vouloir vivre les commandements du Seigneur de par nos propres volonté, ou bonne volonté. Pierre en fera l’amère expérience : « Non je ne te renierai pas » (Mt 26, 35) avant de renier son maître trois fois.

Il nous faut  recevoir  la Parole de Vie, et avec elle la demeure en nous du Père et du Fils, et leur amour, grâce à l’Esprit Saint notre « enseignant », notre « souffleur » qui nous fera souvenir de toutes les paroles de Jésus. « Si quelqu’un garde ma Parole, Mon Père l’aimera et nous viendrons établir notre demeure en lui. » (évangile de ce jour) 

 

Jésus est venu, nous dit-il, accomplir et non abolir (Mt 5,17). Les commandements, il nous donnera de savoir les suivre, les garder, de les accomplir dans nos vies quand nous Lui auront ouvert la porte de notre cœur, et que ce n’est plus nous seuls, orphelins, qui essayerons de les vivre mais Lui qui les vivra en nous, à travers nous. Ce qui nous apparaissait impossible, nous serons étonnés de le vivre avec simplicité, joie, naturel. Parce que la Parole de Vie aura fait son travail de grâce en nous.

 

La parole contient, telle la perle de l’huître, la grâce sanctifiante, nécessaire, qui justifie (rend juste) et rend droit ce qu’il y a de plus tordu ; et conduit à une fécondité renouvelée qui pourra nous surprendre, car   inespérée.  Don de l’Esprit Saint.

 

« Je suis venu pour que vous ayez la vie et la vie en abondance. » (Jn 10,10)

« La gloire de mon Père c’est que vous portiez du fruit et du fruit en abondance. » (Jn 5, 5.8)

 

Voulons-nous accueillir l’Esprit Saint ? Tournons-nous vers la Parole. Si nous l’apprenons     « par le cœur » et la mémorisons pour la laisser vivre d’elle-même au plus profond de nous, l’Esprit-Saint s’y engouffrera et accomplira la Loi, toute la Loi, qui ne sera plus un fardeau mais la partie émergée d’une transfiguration/résurrection intérieure.

 

Viens Esprit Saint, nous t’attendons !

 

« Ta parole, Seigneur, est vérité et ta loi délivrance ! (cf. Ps 18)» Ta loi n’est vraiment réalisable que si nous nous laissons d’abord  habiter par ta Parole. « Sans moi, vous ne pouvez rien faire. (Jn 15, 5) »   Ta Parole est l’humble et irremplaçable servante de ta loi en nous. 

 

Car ta Parole seule nous rend plus humains, nous rend pleinement humains. Et fait de nous des êtres libres. Capables d’aimer comme Jésus seul a su aimer :

 

« Tout ce que vous voudriez que les autres fassent pour vous, faites-le pour eux, vous aussi : voilà ce que dit la Loi et les Prophètes. » (cf. Mt7,12 + Lc 6,31)

Jean-Paul Grouès, diacre permanent