Homélie pour le 3° dimanche de Pâques (26 avril 2020). Année A.
Chers amis, nous retrouvons ce matin Cléophas et l’autre disciple ; profitons-en car nous allons pouvoir marcher avec eux … Ils ne sont pas confinés : ils peuvent marcher deux heures … !!!
Mais leurs cœurs étaient vraiment confinés, repliés sur eux … Là cela nous ressemble sans doute …
Suivons-les jusqu’au bout puisqu’ils terminent leur marche par un très beau cri en ce temps de confinement :
Reste avec nous Seigneur ! Reste chez nous !
3 questions sur ce texte :
Pourquoi est-il appelé l’Evangile des disciples d’Emmaüs ?
Qu’est-ce que Jésus leur raconte au fond à ces disciples qui rend leur cœur brûlant ?
Et enfin Jésus accepte de rester avec eux mais il disparaît ; pourquoi ?
Ces 3 questions sont liées …
Premièrement donc : Nous avons l’habitude d’appeler ce texte « l’Evangile des disciples d’Emmaüs » … ; ne vaudrait-il pas mieux dire « l’Evangile des disciples retournant à Jérusalem … » car c’est bien là ce qu’il faut retenir … ?! C’est quand même plus glorieux !
La rencontre avec Jésus a donné à ces deux disciples de faire demi-tour, de « retourner », de « se retourner », de se convertir pour retrouver leurs frères et être auprès d’eux les témoins de la Bonne Nouvelle ! C’est bien là le sommet auquel ce texte nous conduit …
Or nous continuons d’appeler ce récit celui des pèlerins d’Emmaüs …
C’est étonnant : nous retenons la mauvaise destination … l’erreur d’aiguillage, le lieu de leur fuite, tout en bas des montagnes alors que la Bible invite à monter …
Ils sont à l’ouest, à l’ouest de Jérusalem, à l’ouest, perdus, désorientés !
C’est pas très brillant sur un CV : Ah c’est vous les disciples d’Emmaüs, qui étiez désespérez, pas trop croyants, désorientés … ?
Pourquoi retenir Emmaüs : Parce que c’est là que Dieu nous rejoint …
Lui qui ne cesse de dire : Adam où es-tu ? C’est là qu’il nous trouve. Si nous ne nous cachons pas.
Un vieil évêque se retrouva un jour malade, cloué sur un lit d’hôpital, ne pouvant plus se déplacer seul … Il dit alors à un ami : Vois-tu j’ai trop souvent remis des médailles à ceux qui s’occupaient des malades à Lourdes notamment ; je ne le regrette pas ; mais ce que je regrette, c’est de ne pas m’être rendu compte qu’il fallait surtout remettre des médailles à ceux qui supportaient qu’on s’occupe d’eux …
En donnant le nom d’Emmaüs à son œuvre de solidarité et de partage, l’Abbé Pierre avait dû longuement médité sur cet épisode de l’Evangile ; Emmaüs c’est l’exemple d’une fausse route, d’une erreur de parcours, d’une mauvaise destination …
Mais aussi d’un manque de foi : Que votre cœur est lent à croire dit Jésus …
C’est précisément sur cette fausse route que le Christ vient nous rejoindre ; dans la mesure où j’accepte d’être rejoint précisément là … Adam, où es-tu ?
C’est pourquoi il est bon que ce récit garde ce nom d’ « Evangile des disciples d’Emmaüs » … des disciples qui fuyaient, déroutés par ce qui semble un échec …
Chers amis, je voudrais vous rassurer : il est normal qu’en ce temps de confinement il y ait des moments où nous n’allions pas très bien ; où nous nous en voulions de perdre du temps, de ne pas assez prier, d’être impatients … Ne vous méprisez pas ; nous ne sommes pas faits pour le confinement mais pour la relation, la rencontre, le partage …
Ne vous découragez pas devant vos difficultés intérieures : Acceptez simplement de vous laisser rejoindre par le Christ …
Voilà pour la 1° étage : celle de la lucidité …
Alors 2° question qui est liée à la première : de quoi Jésus leur a-t-il parlé pour que leur cœur en deviennent tout brûlant ?
Est-ce qu’il leur a fait un cours de catéchisme sur la Bible … ? Je ne pense pas …
Je pense qu’il leur a parlé de Jonas … Du Jonas confiné 3 jours dans le ventre d’un gros poisson …
Car dit Jésus : « Il n’y a pas d’autre signe que celui de Jonas … »
Eh bien, qu’est-ce que le signe de Jonas ? C’est qu’il a été repêché, c’est que Dieu lui a pardonné et c’est que lui Jonas, qui a été pardonné d’avoir désobéi à Dieu, a annoncé à Ninive qu’elle pouvait être pardonnée …
Il n’y a pas d’autre signe que celui de Jonas signifie : « Il n’y a pas d’autre signe que celui de la miséricorde … », pas d’autre signe que la croix …
De quoi Jésus a-t-il parlé à ces disciples d’Emmaüs : de l’amour fou de Dieu, de sa miséricorde …
Et toute l’Ecriture dit cela, annonce cela …
Voilà ce que dit Jésus à ces disciples qui se découragent, sans espérance, qui descendent vers Emmaüs, qui descendent au fond de leur cœur. Il leur parle de miséricorde. Et il n’y a rien d’autre dire ; Et c’est ce que nous aussi avons à dire …
Et c’est cela qui rend les cœurs brûlants …
Alors ils lui disent : Reste avec nous car le soir approche ; peut-être que vous entendez cela pieusement, comme une prière : Reste avec nous Seigneur ; nous voulons te garder avec nous
Mais le texte ne dit pas cela : Reste avec nous car il se fait tard pour toi …
Ils prennent soin de Jésus … C’est très beau : la miséricorde de Dieu va jusqu’à donner à l’homme de prendre soin de Dieu … Reste avec nous il se fait tard …
Bien sûr, parce que leur cœur brûle ils veulent aussi garder Jésus ; mais ils le font pour lui …
La joie du pauvre est de pouvoir donner … Dieu le lui permet …
Et voilà qu’il disparaît ! Pourquoi ? C’est la 3° question …
Vous me répondrez qu’il ne s’en va pas puisqu’il reste avec eux dans le sacrement de l’Eucharistie, dans ce pain qui est son Corps, qu’il a béni et rompu nous dit l’Evangile … Oui, bien sûr ! Le sacrement de l’Eucharistie nous donne sa présence réelle …
Et je ne peux que vous inviter à dire vous aussi : « Reste avec nous Seigneur : je désire te recevoir dans l’Eucharistie, hâte ce jour où je pourrais communier ; mais surtout prépare mon cœur pour que toujours je te reçoive comme un grand, un immense cadeau … »
Mais il y a plus encore : ils reconnaissent Jésus dit l’Evangile : c’est-à-dire leur mémoire se souvient ; ils se rappellent ; c’est le même Jésus ; non seulement c’est la présence réelle de Jésus mais tout devient clair : c’est le même Jésus, celui défiguré par la Passion, celui mis en croix, celui qui se fait le Voyageur, leur compagnon de route qui les écoute, celui qui leur parle de miséricorde, celui qui leur donne sa miséricorde …
Alors leurs yeux s’ouvrirent et ils le reconnurent …
Vous vous rappelez qu’au début de ces quelques lignes je vous parlais de Dieu qui se promenait dans le jardin ; or Adam et Eve se cachaient ; pourquoi : parce qu’ils avaient honte car ils étaient nus ; ; ils ne voulaient pas voir leur nudité ; ici, à Emmaüs, il nous est dit : leurs yeux s’ouvrirent et ils le reconnurent … Cléophas et son ami, à l’opposé d’Adam et Eve n’ont plus honte …
Car ils ont pu sans honte dire leur fragilité, leur vulnérabilité …
Alors leurs yeux s’ouvrirent et ils le reconnurent mais il disparut à leurs regards
Pourquoi ? Pourquoi disparaît-il ?
Parce qu’il est désormais dans leur cœur …
Et parce qu’il fait d’eux des vivants, des ressuscités …
L’Eucharistie n’a pas d’autre raison d’être que de vous transformer en lui …
Pour cela il disparaît, il vous laisse sa place … Il vous laisse annoncer sa résurrection …
C’est l’ultime signe de sa miséricorde …
Chers amis, en ce dimanche de confinement, nous avons besoin de sa miséricorde, de sa paix, de sa présence …
Nous qui sommes découragés, qu’il fasse de nous des vivants, capables de témoigner de l’espérance qui ne déçoit pas, qui ne déçoit jamais !
Amen
Père Patrice Guerre, curé de l’ensemble paroissial Saint Pothin – Immaculée Conception