Fête du Christ-Roi
Nous célébrons la fête du Christ, roi de l’univers, roi, dont le trône est la croix ; roi qui n’a pas de sceptre sinon sa croix, pas de force sinon sa soif de sauver tous les hommes, pas de cri de vengeance sinon son pardon, pas d’autorité sinon celle qu’il reçoit du Père, roi qui en échange de notre mort nous offre sa vie.
Son royaume n’est pas de ce monde puisqu’il porte ce monde sur ses épaules comme un berger sa brebis perdue,
Nul n’a de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis avait dit Jésus au Cénacle.
Il faudrait alors lui répondre : Ô Christ, il existe un amour plus grand que de donner sa vie pour ses amis ; le tien ! Tu n’as pas donné ta vie pour tes amis mais pour tes ennemis : les chefs religieux qui se moquent de toi, les soldats qui représentent Rome, le pouvoir politique, les larrons qui t’entourent …
Saint Paul écrit : A peine en effet voudrait-on mourir pour un homme juste ; pour un homme de bien oui peut-être osera-t-on mourir ; mais la preuve que Dieu nous aime c’est que le Christ alors que nous étions encore pécheurs est mort pour nous, pour nous ses ennemis dont il fait des amis. Il vient d’ailleurs d’appeler Juda son ami.
Ils se tenaient là à regarder, dit la conclusion de l’Evangile …
Qu’est-ce qu’ils ont vu ? Qu’est-ce qu’ils ont regardé ?
Pour ceux qui sont allés au pied de la croix, ils sont entrés dans un jardin qui n’est autre que le jardin d’Eden, ils ont regardé, ils ont contemplé, ils ont vu le jardin d’Eden, ils ont vu le nouvel Adam sur l’arbre de vie …
Rappelons-nous ce jardin des origines, rappelons-nous Satan qui dit à Eve : Sauve-toi toi-même, prends de ce fruit, sois comme Dieu, sois Dieu …
Aujourd’hui comme hier à Eve et à Adam, ce jardin des origines, ce paradis perdu nous est proposé dans des publicités qui disent par exemple, je cite : Dans le paradis blanc de la Finlande, je suis en harmonie avec moi-même … ; ou Devenez Dieu, appartenez-vous …
Eve, parce qu’Adam n’est plus le gardien de la loi, Eve, parce qu’elle a été laissée à elle seule, s’est laissée tentée par ce « Sauve-toi toi-même … »
Jésus est tenté lui aussi, sur la croix
Il est tenté par trois fois, comme dans les trois tentations qui ouvrent l’Evangile : « Sauve-toi toi-même »
Il est tenté par les chefs religieux qui attendent le Messie, l’Elu, par les soldats qui se moquent du prétendu roi, par un des deux larrons, par chacun de nous …
Jésus est tenté par trois fois : Si tu es … Justement il est, il est le Messie … Il veut le montrer …
Au début de l’Evangile, dans les trois tentations, Jésus répond par l’Ecriture, nourriture du chrétien ; ici rien, pas de parole, Dieu seul sauve ; seulement des paroles de pardon : Père pardonne-leur ; et aujourd’hui avec moi tu seras dans mon paradis … des paroles pour ceux qui l’entourent, des paroles de communion …
Sauve-toi toi-même : telle est la tentation fondamentale, la tentation du refus de l’altérité, de l’oubli, du mépris, du refus de l’autre …
La réponse de Jésus tient dans le Salut qui vient d’un Autre ; la réponse de Jésus se dit par le mot « Avec » : Père, en tes mains je remets mon Esprit … le geste de tendre la main, de recevoir la main est magnifique ; et : Aujourd’hui tu seras avec moi …
L’Autre (avec un grand A) est le Salut …
Il n’est pas bon que l’homme soit seul avait dit Dieu dans le jardin d’Eden; il n’est pas possible que l’homme soit seul …
Je vais lui faire une aide ; ce mot « aide » qui signifie une aide vitale, une aide que Dieu apporte, une aide personnelle … Une aide qui donne le salut …
Le bon larron l’a compris : Jésus, souviens-toi de moi …
Je vais lui faire une aide, dit Dieu, une aide contre lui : cette traduction « contre lui » qui est fidèle au texte peut nous étonner : en fait, elle dit que l’altérité n’est pas de soi évidente, que l’autre crée de la tension car il est différent …
L’homme et la femme s’attirent, sont faits l’un pour l’autre et en même temps ils sont une énigme l’un pour l’autre …
L’altérité si bonne soit-elle, être sauvé par l’autre est aussi ce qui nous met mal à l’aise, nous trouble, nous est fastidieux … Elle est renoncement à nos sécurités, à nos contrôles, à notre désir d’être indépendants … C’est une aide contre moi, malgré moi …
A cela s’ajoute le péché qui nous divise …
Je vais lui faire une aide contre lui : c’est justement parce qu’elle est « contre lui » qu’elle lui sera une aide, comme les pierres d’une voûte ; elle lui sera une aide pour accepter l’altérité, pour grandir dans la dépendance d’un autre qui m’oblige à la confiance, pour accepter de me soumettre à l’autre comme Jésus qui se soumet à son Père et à ses frères …
Jésus ne sauve pas lui-même ; il le voudrait mais : non pas ce que je veux mais ce que tu veux … En cela il est roi, d’une royauté reçue, d’une royauté de service, d’une royauté à laquelle nous nous soumettons ensemble …
Chers frères et sœurs, il est bon en ce jour de la fête du Christ Roi de baptiser 3 bébés …
C’est cela la royauté de Jésus : c’est de partager sa vie, c’est de faire entrer dans son règne de vie et de vérité, de grâce et de sainteté, de justice, d’amour et de paix, règne sans limite et sans fin ces 3 nouveaux nés …
Baptiser c’est entendre Jésus dire : Aujourd’hui je te le dis Mayeul, Nathanaël, Joseph, avec moi tu seras dans mon Paradis, dans le jardin d’Eden …
Il est bon aussi aujourd’hui d’inviter les couples à redire oui à l’altérité, à leur altérité réciproque qui les conduit à se soumettre l’un à l’autre car je ne me sauve pas moi-même pour se soumettre ensemble au Christ, seule réponse à notre cri vers le salut …
En bénissant les couples à la fin de cette messe qui fêtent un anniversaire de mariage en multiple de 5, je voudrais dire que nous n’oublions pas les célibataires ni les couples en souffrance, les couples séparés …
L’Evangile de ce jour nous dit fermement que les couples qui fêtent un anniversaire de mariage ne sont pas meilleurs que les autres ; ils demandent comme chacun le salut : Seigneur, viens continuer de nous sauver ! Et comme le dit la petite Thérèse de l’Enfant Jésus : combien est grande ta miséricorde Seigneur de nous avoir protégé jusque là …
Au fond la présence des célibataires, des couples séparés redit aux couples que leur chemin est un chemin où le salut est à accueillir sans cesse … Nous prions donc les uns pour les autres … Et j’invite les couples à redoubler d’attention pour ceux qui vivent un célibat non choisi, pour ceux qui souffrent dans leur couple …
Chers frères et sœurs, nous terminons cette année liturgique par la fête du Christ Roi, roi sur la croix …
Il est avec nous celui qui souffre sur la croix …
Dans notre communauté paroissiale, plusieurs vivent des épreuves difficiles, éprouvantes, la grave maladie qu’ils traversent ou celle d’un proche, la situation du divorce qu’ils vivent ou dans leur famille, le chômage, un célibat non choisi, le deuil d’un proche …
C’est au pied de la croix que le Christ nous rassemble tous en cette fin d’année, c’est là qu’il nous invite à nous tenir pour nous donner l’espérance ; il est là sur la croix résolument avec nous, roi, c’est-à-dire serviteur de nos vies, nous invitant à demander et à accueillir le salut : Seigneur, sauve-nous !
Avec l’Avent qui vient, puissions-nous davantage veiller dans la prière, la prière d’adoration, la prière confiante en l’intercession de la Vierge Marie ; face aux tentation multiples, devant nos découragements qui pourraient nous replier sur nous-mêmes, Jésus choisit d’être là, il entre dans le silence, celui de la confiance, celui du samedi saint où la mort est déjà vaincue, où le Père exerce toute sa puissance de salut …
Avec lui puissions-nous dire : Mon Père, je m’abandonne à toi …
Amen