Eloge de la pauvreté !

Comprenons-nous nous bien … toute pauvreté au sens où nous l’entendons habituellement est un scandale ! Hier comme aujourd’hui, toute pauvreté, qu’elle soit économique ou affective, qu’elle soit liée à la maladie ou l’isolement, doit nous interroger, nous bousculer. L’existence de tant de misères est un déni de fraternité, une plaie béante dans le commandement que nous a laissé le Christ « tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Et il est heureux pour notre communauté paroissiale que tant d’initiatives soient prises pour aller notamment à la rencontre de celles et ceux qui vivent dans la rue : fratello’pâtes, maraudes du samedi matin, déjeuner du dimanche, … autant d’occasions pour chacun de nous d’ouvrir les yeux sur des réalités le plus souvent insupportables, d’arrêter de vivre avec des œillères à côté de nos frères et sœurs les plus démunis.

Oui, cette pauvreté-là est un scandale et il serait indécent d’en faire l’éloge.

Mais à lire les textes de ce dimanche, un autre scandale doit être dénoncé : mon incapacité à me reconnaître pauvre et pécheur entre les mains du Père. Et avouons qu’une certaine aisance extérieure, un certain contentement de soi et de ses réussites peuvent constituer à cet égard un lourd handicap !

Me reconnaître pauvre, c’est faire l’expérience que je n’ai rien qui ne m’ait été d’abord donné par le Seigneur ; c’est apprendre à me détacher de moi-même pour mieux m’attacher au Christ ; comprendre que je ne suis rien si je ne me laisse pas d’abord rejoindre et aimer par le Christ et que le plus beau que j’ai à offrir à Dieu et aux Hommes, c’est précisément ce rien ; c’est renoncer à toute volonté de maîtrise et de puissance pour m’abandonner, avec humilité, confiance et persévérance, entre les mains du Père.

Me reconnaître pécheur, c’est accepter la vérité sur mon manque d’amour de Dieu et du prochain, sur mes égoïsmes et mes lâchetés, sur tout ce qui encombre ma vie intérieure et m’éloigne du Père. Me reconnaître pécheur, c’est oser le pardon de Dieu.

Me reconnaître pauvre et pécheur, ce n’est pas me dénigrer mais prendre conscience que la valeur de mon existence et mon salut sont dans la grâce seule reçue de Dieu en Jésus Christ par l’Esprit Saint. Me reconnaître pauvre et pécheur, ce n’est pas vivre dans la crainte de la mort et du jugement ; c’est au contraire un chemin de vie et de foi dans les pas du Christ, le chemin d’une vie pour goûter la paix et la joie de Dieu.

Heureux les pauvres de cœur nous enseigne Jésus ! A chacun de nous de rechercher sans cesse cette pauvreté-là, sûr de l’amour de Dieu, confiant en son inépuisable pardon. A l’image du publicain de l’Evangile, puissions-nous chaque jour faire nôtre cette prière du cœur : « Jésus, Fils du Dieu Vivant, prends pitié de moi pauvre pécheur ».

Frédéric Subra, diacre permanent