« Vaincre la force de l’habitude par la force de l’Esprit » 

 

Est-ce le flot des informations qui se déverse en continu, les réseaux sociaux omniprésents ? Il m’est si facile aujourd’hui de m’habituer à ce qui devrait demeurer inacceptable, insupportable : la guerre en Ukraine et son cortège de crimes et de souffrances, les tensions incroyables dans notre pays où ce qui divise est mis en avant bien plus que ce qui rassemble, la valeur de l’Homme réduite trop souvent à sa performance économique et sa capacité consommatrice, nos enfants abimés par deux ans de crise sanitaire, désorientés et en quête de sens, notre terre beaucoup plus exploitée que soignée, tant de familles meurtries par la violence, tant de pauvreté et de solitude à nos portes, tant de difficultés à vivre en communion dans l’Eglise, à s’accueillir dans l’unité plutôt qu’exacerber nos différences par des jugements hâtifs !

La force de l’habitude … qui me fait demeurer silencieux, là où je devrais crier, prier, agir ! La force de l’habitude qui irrésistiblement entraîne au repli sur soi. Certes je vis mais comme dans un couloir de natation, en prenant soin de ne regarder ni à gauche, ni à droite. S’habituer à l’inacceptable, à l’insupportable, ce n’est pas vivre, c’est au mieux survivre ! Alors, que faire ?

Sonner la révolte en rejetant en bloc ce monde porteur de tant de blessure et de perversité ? Mais un tel rejet est pareillement porteur de mort ! Car alors je ne vois pas ce qui est beau aussi : ces hommes et femmes qui tiennent quotidiennement dans la prière pour la paix en Ukraine, celles et ceux qui s’engagent pour le bien commun et multiplient les initiatives pour une société plus juste et fraternelle, ces familles où chacun est accueilli, aimé, valorisé ! Car alors je ne vois pas la beauté de la Création, la richesse des sensibilités diverses au sein de notre Eglise qui, chacune, disent quelque chose de l’amour de Dieu ! Nous ne pouvons, nous ne devons pas séparer l’ivraie du bon grain.

Chers amis, si je veux vaincre la force de l’habitude qui m’aveugle et m’enchaine, je n’ai qu’un seul recours : l’Esprit Saint qui fait de chaque jour mon premier jour. Avec la grâce de l’Esprit, je m’émerveille de ce que je ne voyais pas ou plus. Avec la grâce de l’Esprit, Dieu me souffle les mots pour encourager, apaiser, réconcilier. Avec la grâce de l’Esprit, je peux aller à la rencontre de mon prochain, libéré de la peur de l’autre. Avec la grâce de l’Esprit, j’ose la confiance et le pardon, la justice et la fraternité. Avec la grâce de l’Esprit, je prends conscience combien la Vie sous le soleil de Dieu est un trésor, une joie en dépit de tout ! Avec la grâce de l’Esprit, Dieu m’ouvre un chemin vers le vrai, le seul bonheur : celui de l’Amour reçu et donné inconditionnellement.

Alors permettez-moi de crier en ces jours qui précèdent la Pentecôte : « Viens Esprit Saint, viens embraser nos cœurs ».

 

Frédéric Subra, diacre permanent