Vous avez dit « consubstantiel ? » 

« Savez-vous quelle est la différence entre un terroriste et un liturgiste ? Avec un terroriste on peut négocier. » Ce trait d’humour de frère Paul-Adrien o.p ,(1) montre bien combien la liturgie cristallise nombre de passions… Scandale suprême puisque la liturgie devrait être le lieu de la communion par excellence, au sens propre comme au sens figuré …

Reconnaissons-le, confessons-le, le nivèlement par le bas de la liturgie et donc de la pastorale et de la théologie, loin de remplir nos églises les ont vidées… La transmission de la foi a été plus que fragilisée et dépréciée. Que ce soit l’occasion pour nous non de redéclencher des guerres liturgiques, mais de retrouver dans nos assemblées tout autant le sens du sacré que l’intelligence de la Foi.

Cet édito veut se confronter plus précisément au remplacement dans le Credo en français du « même nature » par le terme « consubstantiel» (2) c’est-à-dire de même substance. « Pas trop tôt » diront certains, « on va encore moins capter » diront d’autres.  C’est dans tous les cas l’un des changements majeurs de la nouvelle traduction. « Nouvelle ? » Non en fait, car consubstantiel est le terme latin reprit littéralement et en usage depuis 325 (Concile de Nicée) dans l’Eglise…

Néanmoins, pour comprendre ce nécessaire « grand remplacement » si je puis dire, il faut en percevoir l’enjeu. Car nous ne parlons de rien de moins que du cœur du christianisme à savoir la Trinité, c’est-à-dire croire en un seul Dieu en trois personnes distinctes et égales.

Pourquoi le « de même nature » est-il incomplet et ambigu ? Il faut tout d’abord signaler que la volonté n’a pas été de semer le trouble dans la foi des chrétiens de langue française; « on » a voulu simplifier pour rendre plus « compréhensible » le Mystère. Mission accomplie ? On peut en douter. En effet, combien de chrétiens pourraient expliquer ce qu’est la Trinité, donc ce qu’est leur foi ? C’est mon expérience de prêtre. Etienne Gilson, grand historien et philosophe, écrivait : « Dissimuler un mystère n’est pas une bonne méthode pour le faire accepter ; mépriser les foules n’est pas une bonne manière de gagner leur suffrage. Le peuple n’est jamais vulgaire ; il déteste plutôt qu’on affecte la vulgarité dans l’espoir de lui faire plaisir. » (3)

Passons à l’explication. Par exemple un père et son fils sont de la même nature humaine mais ils sont évidemment deux hommes bien distincts. Au sein de la sainte Trinité, le Père, le Fils et le Saint-Esprit partagent la même nature divine, mais si je me contente de dire seulement qu’ils sont de même nature alors les chrétiens auraient 3 dieux… Dans ce cas nous serions des polythéistes et les musulmans auraient raison de nous en accuser… Or le chrétien est celui qui croit en UN seul Dieu, c’est pour cela que sont morts les martyrs, c’est le point qui unit TOUS les chrétiens, c’est à cette unité divine que nous nous reconnaissons entre nous !

L’enjeu est énorme. Affirmer que le Père et le Fils sont consubstantiels cela permet de dire qu’ils partagent la même nature divine mais qu’en plus ils ne sont qu’un seul Dieu car ils partagent la même substance et le même être (idem pour le saint Esprit). « Je crois en un seul Dieu, en trois Personnes. » Cela veut dire que Dieu est communion en son être profond, c’est-à-dire que Dieu est Amour et donc que je suis créé par amour et non pas parce que Dieu s’ennuierait dans sa solitude. Non. Je suis désiré, aimé et appelé à aimer à mon tour, être à image et ressemblance de Dieu !

Bref, cette correction n’est pas une pédanterie d’ecclésiastique. Elle nous permet de réfléchir à nouveau sur ce grand Mystère de la Sainte Trinité. Espérons que la nouvelle traduction liturgique permettra une meilleure intelligence de la Liturgie et nous renouvèlera tous dans notre Foi et les saints mystères que nous célébrons.

Père Pierre-François Emourgeon + vicaire de l’ensemble paroissial Saint Pothin – Immaculée Conception.

1.Dans une vidéo sur le nouveau missel sur sa chaine YouTube…
2.Que les italiens et les anglais (entre autre) ont toujours gardés…
3.Étienne GilsonLa société de masse et sa cultureVrin, Paris, 1967.