Homélie pour la fête de la Toussaint 2020.
Chers frères et sœurs,
je bénis le Seigneur de pouvoir célébrer publiquement avec vous cette Eucharistie de la Toussaint.
Et je le bénis parce que cette fête de la Toussaint est un vrai cadeau pour nous donner de vivre les moments difficiles et douloureux que nous traversons.
Oui merci au Seigneur de nous redire en ce jour que tous les saints du ciel prient pour nous, eux qui comme le dit la 1° lecture ont traversé la grande épreuve, et nous encouragent à demeurer des pauvres de cœur, au cœur doux et miséricordieux, pleurant
avec ceux qui pleurent, affamés de justice et artisans de paix, pour voir Dieu avec un cœur purifié par l’amour …
Nous sommes tous appelés à la sainteté, tous, qui que nous soyons, de là où nous en sommes ; il n’y a pas les premiers et les derniers dans la course comme si certains étaient perdus d’avance ; je dirais même que la seule invitation qui est faite est de nous considérer comme les plus petits : à ceux-là on demande toujours d’avancer, de se mettre devant quand on prend une photo : oui, considérons que nous ne sommes pas encore des saints et cela nous fera grandir ; simplement acceptons d’être sur la photo de ceux qui aujourd’hui encore décident de prendre le départ de cette course à la sainteté …
Chers paroissiens, rien n’est plus nécessaire que de réentendre aujourd’hui cet appel à la sainteté que nous font entendre du haut du ciel nos amis les saints …
Cela est nécessaire pour deux raisons :
D’abord parce que nous pouvons aujourd’hui être désemparé, ne sachant plus où donner de la tête ; j’ai cette image d’une boussole qui tourne dans tous les sens à toute vitesse, comme affolée, ne sachant plus où se poser … Qu’est-ce qu’il nous faut faire dans notre monde qui ne sait pas bien où il va ? Sur les plateaux télé chacun y va de sa petite conviction ; quelle route tracer ? Que faire pour sortir notre monde de la violence ?
Notre boussole à nous chrétiens nous redit que nous sommes faits pour la sainteté qui a pour autres noms l’éternité mais aussi la communion avec Dieu et la communion des saints, la communion entre tous les hommes de bonne volonté …
Nous sommes faits pour cela, pour accueillir la sainteté, en vivre ; nul autre objectif que cela …
C’est là notre route et je rends grâce que nous sachions où nous devons aller …
Vouloir être des saints est un programme de vie exaltant : c’est croire en la grâce de Dieu pour jour après jour, dans le plus humble quotidien, chercher la volonté de Dieu.
Que ferait Jésus à ma place, maintenant, dans telle situation concrète ? QFJAMP …
Vouloir être un saint c’est laisser tomber tout ce qui est secondaire, c’est devenir des pauvres de cœur attentifs à l’essentiel qui est d’aimer vraiment …
Vouloir être un saint c’est regarder vers le ciel : « Notre objectif doit être l’infini, non pas le fini. L’Infini est notre Patrie. Depuis toujours nous sommes attendus au Ciel. » (Bienheureux Carlo Acutis 1991-2006)
Voilà donc la première nécessité en ce temps de marasme d’entendre l’appel à la sainteté : cela fixe notre cap !
La seconde nécessité de cet appel à la sainteté que nous entendons aujourd’hui c’est que nous y entendons un appel au courage ; alors que nous pourrions nous replier, rester abattus, tourner en rond, nous savons que nous sommes appelés au meilleur de nous-mêmes …
Vouloir être un saint est une chose, en prendre les moyens en est un autre …
Entendre aujourd’hui l’appel à être des saints, c’est réentendre l’appel à prendre pour cela des moyens …
Globalement pendant ce confinement il y a 2 types de situations : Ceux qui ont beaucoup (trop) de temps et ceux qui n’en ont pas …
Ceux qui travaillent, ont des enfants qui vont à l’école, se retrouvent le soir …
Ceux qui travaillent et son célibataires : week-end …
Ceux qui ne travaillent pas (parfois très difficile) et sont seuls
Aux premiers : mesurez que vous n’êtes pas les plus en difficulté …
Prenez le temps de la prière en famille
Notamment en préparant la messe du dimanche en lisant les textes par avance …
Prenez le temps de vous nourrir
Aux seconds : Attention à ne pas se trop se disperser …
Tentation d’occuper le temps …
Rappelez-vous l’histoire des grosses pierres que l’ont veut mettre dans un récipient …
Lisez des vies de saints …
Prenez des moyens pour nourrir votre vie spirituelle : cf. feuille paroissiale. Adoration, confession, lecture de la Parole de Dieu, messe sur Youtube
Parmi ces moyens pour devenir des saints, le premier d’entre eux est celui de la charité, nourrie par la prière :
Aux uns et aux autres je dis donc : prenez soin les uns des autres
Le Pape François écrit dans Fratelli tutti (que je vous invite à lire) aux paragraphes 87 et 88 :
- 87. Un être humain est fait de telle façon qu’il ne se réalise, ne se développe ni ne peut atteindre sa plénitude « que par le don désintéressé de lui-même ».[62]Il ne peut même pas parvenir à reconnaître à fond sa propre vérité si ce n’est dans la rencontre avec les autres : « Je ne communique effectivement avec moi-même que dans la mesure où je communique avec l’autre ».[63]Cela explique pourquoi personne ne peut expérimenter ce que vaut la vie sans des visages concrets à aimer. Il y a là un secret de l’existence humaine authentique, car « la vie subsiste où il y a un lien, la communion, la fraternité ; et c’est une vie plus forte que la mort quand elle est construite sur de vraies relations et des liens de fidélité. En revanche, il n’y a pas de vie là où on a la prétention de n’appartenir qu’à soi-même et de vivre comme des îles : dans ces attitudes, la mort prévaut ».[64]
Plus loin
- 88. À partir de l’intimité de chaque cœur, l’amour crée des liens et élargit l’existence s’il fait sortir la personne d’elle-même vers l’autre.[65]Faits pour l’amour, nous avons en chacun d’entre nous « une loi d’‘‘extase’’ : sortir de soi-même pour trouver en autrui un accroissement d’être ».[66]Voilà pourquoi l’homme doit de toute manière mener à bien cette entreprise : sortir de lui-même.[67]
([62] Conc. Œcum. Vat. II, Const. Past. Gaudium et spes, sur l’Église dans le monde de ce temps, n. 24.
[63] Gabriel Marcel, Du refus à l’invocation, éd. N.R.F., Paris (1940), p. 50.
[64] Angélus, (10 novembre 2019) : L’Osservatore Romano, éd. en langue française (12 novembre 2019), p. 3.
[65] St. Thomas d’Aquin, Scriptum super Sententiis, lib. 3, dist. 27.7.1.a. ad 4 : « Dicitur amor extasim facere, et fervere, quia quod fervet extra se bullit et exhalat ».
[66] Karol Wojtila, Amour et responsabilité, éd. Dialogue/Stock, Paris (1978) p. 115.
[67] Cf. Karl Rahner, S.J., Kleines Kirchenjahr. Ein Gang durch den Festkreis, éd. Herderbücherei 901, Freiburg (1981), p. 30.)
Quand on est confiné je dirais qu’il est assez confortable de rester replié sur soi avec mille excuses qui nous disent que de fait nous ne pouvons pas rencontrer les autres …
Alors il appartient de redoubler d’intelligence pour prendre soin de ceux qui sont autour de nous, près ou loin … En faire une démarche prioritaire là aussi dans nos vies …
Etre attentif à un voisin, appeler une personne seule, trouver comment rendre service …
Prier les uns pour les autres …
Nous entrons en communauté dans ce confinement … à nous d’en sortir en communauté, confiants dans cette prière des uns pour les autres …
Allons un peu plus loin encore …
La règle de Saint François sur la vie fraternelle commence par ceci : « En toute confiance, que chacun s’ouvre à son frère de ses besoins …»
François décrit la vie fraternelle en phases, en 3 actes :
Demander
Donner
Laisser la liberté
Demander est le 1° acte de la vie fraternelle
La vie fraternelle jaillit du besoin, c’est-à-dire de la pauvreté
Heureux les pauvres de cœur car le royaume des cieux est à eux …
S’ouvrir aux autres c’est leur faire le cadeau de pouvoir leur dire ce dont j’ai besoin …
Besoin que l’on prie pour moi, besoin d’être écouté, besoin d’un service concret …
Donner sera la réponse : Aimer et nourrir dit François alliant le spirituel au concret. Heureux ceux qui pleurent avec ceux qui pleurent, qui ont faim et soif de justice, sont miséricordieux …
C’est la réponse du Père, de la Mère, à son fils …
La vie fraternelle est faite d’échanges ; il ne peut y avoir d’un côté le riche et de l’autre le pauvre ; ce serait une forme d’asservissement …
L’échange est le seul mode possible de rencontre vraie …
Cela suppose la liberté de chacun …
Entrer dans ce mouvement de demande et de don, dans la liberté, c’est entrer dans la vie trinitaire qui est faite de ce triple mouvement …
Chers frères et sœurs,
L’appel à la sainteté que nous entendons aujourd’hui est donc un beau cadeau : il nous rappelle à l’essentiel et il nous invite à prendre des moyens très concrets …
Je vous invite vraiment chacun de vous à prendre le temps de vous demander ce que vous voulez mettre d’important durant ce temps de confinement dans votre emploi du temps …
Et à faire le point régulièrement !
L’essentiel est toujours d’aimer
D’ailleurs, et il faut le dire, accepter le confinement a pour raison la charité qui est de protéger des personnes …
Se dire que c’est par amour que nous nous confinons peut donner sens à ce moment particulier …
C’est cela que nous célébrons aujourd’hui, la communion des saints …
Amen !