Homélie pour le 27° dimanche de l’année A (2020)

4 octobre (Saint François) / Bénédiction des services

 

 

Cet Evangile dit des vignerons homicides est terrible, un des plus violents qui soit : tuer, et tuer encore, à répétition, jusqu’au fils lui-même les serviteurs du propriétaire de la Vigne ne peut faire appeler les vignerons que des misérables appelés à périr misérablement …

Nous pouvons facilement y voir notre monde avec sa violence souvent terrible, qui entraîne la violence …

 

Inversement, ce qui est bouleversant, c’est la persévérance de l’amour du propriétaire qui a pris grand soin de sa vigne, qui y  envoie des serviteurs jusqu’à son Fils en croyant, car son regard demeure bienveillant, qu’il sera respecté …

Dieu semble un grand naïf, bien loin de la réalité de notre monde …

 

On comprend que le monde et Dieu aient du mal à se connaître et à se comprendre …

 

A qui cette parabole est-elle adressée ? L’Evangile nous le dit : Aux grands-prêtres et aux anciens, ceux qui se durcissent contre Jésus, ceux qui vont le faire mourir quelques jours plus tard …

Ils ont une grave responsabilité puisque c’est toute la vigne, tout le peuple d’Israël qui va être retiré de la main de Dieu pour être donné à une autre nation …

 

Là aussi on peut voir facilement notre monde qui souffre de ses chefs, de ses responsables … parfois avec le risque de tout mettre sur leur dos …

On vérifiera si la parabole veut de fait seulement accuser les chefs …

 

Acceptons pour le moment d’entendre que nous aussi, c’est-à-dire chacun de nous sommes interrogés sur notre manière de prendre soin de la vigne et d’en rendre les fruits … Nous sommes ces grands-prêtres et ces scribes à qui la vigne est confiée …

 

Dans une 1° lecture de cette parabole, deux points de conversion nous sont adressés :

Cela fait toujours du bien le dimanche d’entendre l’Evangile remettre les point sur les « i » …

 

Le premier qui est de nous dire que nous ne sommes pas les propriétaires de la vigne, de la création ni de nos frères et sœurs mais les intendants

Puisque nous sommes le 4 octobre, jour de la fête de Saint François d’Assise, quelques mots sur notre péché qui touche à la création, à l’écologie.

Les citations du Pape François sur le sujet sont innombrables ; j’en cite quelques-unes :

« Le péché aujourd’hui se manifeste, avec toute sa force de destruction, dans les guerres, sous diverses formes de violence et de maltraitance, dans l’abandon des plus fragiles, dans les agressions contre la nature » (LS 66)

« Trop consommer et produire trop de déchets est un vol contre les pauvres » …

Nous avons une attitude de prédateurs sur la création …

« Lorsque nous exploitons la création, nous détruisons le signe de l’amour de Dieu. Détruire la création signifie dire à Dieu : « Cela ne me plaît pas » ; cela n’est pas bon. Voilà le péché » (Audience du 21 mai 2014)

 

Nous ne sommes pas les propriétaires de nos frères non plus ; nous ne pouvons mettre la main sur eux mais les accueillir comme des frères …

Le Pape François publie aujourd’hui (demain !) une nouvelle encyclique intitulé « Tous frères » … Je pense qu’elle est la suite logique de celle sur l’écologie …

Tous frères c’est refuser l’indifférence qui ignore l’autre mais c’est être attentif et touché par le tourment de l’autre … Il est difficile de dormir quand mon frère souffre …

 

La réponse à ce péché de possessivité est la louange, est la gratitude … envers Dieu lui-même … et envers nos frères …

De toute façon l’ingratitude fait de nous des déshérités …

 

Le second point de conversion que l’Evangile de ce jour nous adresse est de nous faire comprendre que cette obsession des vignerons à vouloir l’héritage pour eux les conduit à ne plus prendre soin de la vigne ; nous avons une allusion à cela à la fin de la parabole quand Jésus dit : « Le royaume de Dieu vous sera enlevé pour être donné à une nation qui lui fera produire ses fruits »

Toutes nos petites préoccupation égocentriques nous font perdre de vue le sens de ce que nous vivons et par là-même ceux que nous sommes appelés à servir …

Nous rendons service mais le but reste nous-mêmes …

Et cela hélas arrive bien souvent dans tous les services que nous vivons …

Nous avons perdu de vue la finalité qui est d’être au service …

 

Voilà pour une première lecture de l’Evangile …

Voilà pour nos deux points de conversion : la louange qui nous décentre et nous rend attentifs aux autres …

Bon il y a toujours du travail … Je vous rappelle que si vous vous sentez concernés vous pouvez vous confesser pour demander à Dieu de vous aider !

 

Je passe à la 2° étape qui est bien sûr et de loin la plus importante :

 

Car, si vous avez été bien attentifs lors de la lecture de l’Evangile, je n’ai pas encore commenté la réponse de Jésus ; celle-ci est pourtant, évidemment, la plus importante …

 

A la fin de la parabole Jésus conclut par une question :

 

Que fera-t-il (le propriétaire) de ces vignerons homicides ? Question essentielle qui est le sommet de l’histoire que raconte Jésus …

 

2 réponses à cette question de Jésus :

 

Les scribes et les anciens du peuple disent aussitôt : « Ces misérables, le propriétaire les fera périr misérablement ; il louera la vigne à d’autres vignerons … »

C’est assez glaçant, lugubre …

On pourrait dire que ceux-ci se mettent une balle dans le pied en disant cela …

A moins que, et c’est hélas possible, nous nous connaissons bien, qu’ils ne voient même pas que Jésus parle d’eux …

Je ne sais si l’un de vous s’est dit qu’il était un de ces misérables vignerons …

 

Mais ce n’est pas la réponse de Jésus

Que fera-t-il à ces vignerons ?

Celui-ci leur dit, et c’est assez énigmatique à première vue : « N’avez-vous jamais lu dans les Ecritures ; la pierre qu’ont rejeté les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle, c’est là l’œuvre du Seigneur, la merveille devant nos yeux »

Jésus nous perd un peu en disant cela … comme je risque de vous perdre !

 

La pierre qu’ont rejeté les bâtisseurs c’est évidemment le Fils, le Christ Jésus …

 

Que veut dire Jésus ? Il n’est pas dans la logique trop évidente de ceux qui l’écoutent à savoir qu’à la mort des serviteurs et du fils lui-même doit répondre la mort des vignerons …

 

Mais il est de dire que cette mort du fils est féconde pour peu que je me reconnaisse pécheur …

Il est de dire à ceux qui l’écoutent que certes le royaume de Dieu vous est enlevé mais qu’il est donné à nouveau à ceux qui accueille cette mort comme le lieu du salut … A un peuple de pécheurs qui aspirent à recevoir le pardon … Au peuple qui se tient humblement au pied de la croix … Peuple de pécheurs pardonnés …

Seul ce peuple fera porter du fruit à la vigne en accueillant des pécheurs, en constituant un peuple de frères …

 

A ce propos nous pouvons nous étonner de commencer la messe en disant le « Je confesse à Dieu » …

Certains vont que c’est très négatif, culpabilisant …

En fait c’est cela qui nous constitue en peuple de frères ou je commence par te dire : Tu sais, ce dimanche, je ne suis pas un héros, mais un simple frère, j’ai besoin de toi, de ta prière, de ton soutien et de ton regard de miséricorde ; merci de m’accueillir comme je suis … Tu veux bien entrer dans la messe avec moi, tu veux bien prier pour moi … ?

 

Cet Evangile pour y revenir n’a rien d’antisémite ; nous chrétiens risquons plus que tout de nous croire détenteurs du salut, de n’avoir plus besoin de Jésus parce que nous nous pensons bien comme il faut ; cet Evangile s’oppose à tous ceux qui refusent de se reconnaître pécheurs, de voir dans le Fils que nous rejetons celui qui nous sauve …

 

Cet Evangile est au fond un cri d’amour de Jésus pour nous et une invitation à un cri d’amour pour lui qui rejoint tout ce qui est rejeté en nous, tout ce qui est péché en nous …

 

Je conclus : J’ai lu cette semaine aussi le petit livre de frère Adrien Candiard, qui vient de sortir, intitulé « Du fanatisme » avec pour sous-titre « Quand la religion est malade » ; je vous le conseille vraiment … Comme toujours avec Adrien Candiard, c’est vraiment excellent …

 

Apparemment dans le fanatisme Dieu est omni-présent … En fait Adrien Candiard montre bien que Dieu n’est plus du tout là … et que l’on se sert de lui … Ce que dit très bien l’Evangile d’aujourd’hui …

La violence nait de ce que Dieu n’est plus là : les vignerons homicides veulent tuer Dieu …

 

La réponse est d’être radical … Puisque l’on parle d’islamisme radical, ce qui est une expression inappropriée … je réhabilite ce mot …

Nous voulons être des chrétiens radicaux et non pas modérés je l’espère, non pas en demi-teinte …

Radical au sens d’être reliés à la racine, qui est souvent cachée, qui est Dieu lui-même, que nous ne prétendons pas bien connaître mais que nous cherchons, qui est la vraie source de notre vie …

Racine rejetée par les hommes mais choisie par Dieu …

Racine qui se mêle à notre ce qui est le plus terreux en nous, qui en prend la couleur …

 

Oui chers frères et sœurs, donnons-nous vraiment à Dieu, donnons-lui les fruits de notre vie qui lui appartiennent, donnons-lui notre vie tout entière

Donnons-lui du temps dans la prière, donnons-lui notre péché pour qu’il nous convertisse, donnons-lui nos frères, fruits de sa vigne pour qu’il nous apprenne à les aimer comme des frères, donnons-lui de se donner à nous !

 

Amen !

Père Patrice Guerre, curé de l’ensemble paroissial Saint Pothin – Immaculée Conception