Nul ne pourra vous arracher de ma main.

Depuis notre baptême, nous sommes dans la main de Dieu.

Depuis notre baptême, la Vie du Ressuscité coule  dans nos veines. Et nous donne  de vivre, dès ici-bas, quelque chose dans ce temps présent de notre propre vie de ressuscités. Nous n’appartenons plus au monde. « Père, ceux que tu m’as donnés, je veux qu’ils soient eux aussi avec moi, et contemplent la gloire que tu m’as donnée avant la fondation du monde. » (Jn 17,24) « Ils sont dans le monde mais ne sont plus du monde (cf. Jn 17,15.16.18).  Ils sont fils et filles de la résurrection (Lc 20,36). Tout ce qui est à Toi est à moi ; et tout ce qui est à moi est à Toi (Jn 17, 10). Tu me les as  donnés, et je n’en ai perdu aucun (v. 12). Personne ne les arrachera de ma main. Et nul ne pourra les ravir à la main de mon Père (Jn 10,28.29). Je prie pour eux, et non pour le monde (Jn 17, 9). Sanctifie-les par la Vérité : ta Parole est Vérité. Ils sont consacrés par la Vérité (v.17). Je Te prie, non de les retirer du monde, mais de les garder du Mauvais (v. 15) » dit Jésus dans sa prière sacerdotale priant pour ses disciples peu avant sa Passion.

« Ils sont la lumière du monde. Que brille leur lumière devant les hommes afin que le monde, voyant ce qu’ils font de bien, rende gloire au Père. » (Cf. Mt 5,14)

 « Jour après jour, ne nous laissons pas détourner par les peurs, colères, regrets, désarrois, par l’obscurité qui prétend recouvrir toute la terre et monopoliser toute notre attention… Mais restons unis, au plus profond de nos cœurs, à la source de la paix qui demeure au-delà de tout.  (Frère Aloïs de Taizé, message de Carême 2020) »

Il est vrai que nous ne pouvons pas ne pas nous confronter, en ce temps où nous touchons de près la finitude de notre vie sur cette terre,  à l’hypothèse réaliste de notre mort.

Jésus nous montre le chemin : c’est Lui qui nous « fait la route », en cette 5e semaine de Carême : Jésus « le visage déterminé » (Lc 9,51) vient résolument, librement, affronter la mort pour nous, (« je suis venu recevoir un baptême et comme il m’en coûte d’attendre qu’il soit accompli (Lc 12,50) »), pour la vaincre,  pour la pulvériser, pour – d’impasse sans issue – en faire  un Passage, une porte qui ouvre sur la Vraie Vie,  sur l’autre Vie, celle en Dieu où il n’y aura plus virus, calamités,  échecs,  regrets, si  nous avons choisi ici-bas de faire de notre vie une geste d’amour. Celui qui a voulu aimer en l’apprenant de Jésus, le Tout-Aimant, n’a rien à craindre de la mort. Elle est naissance à la plénitude de Vie avec le Ressuscité, auprès duquel nous retrouveront ceux qui nous ont précédés et ceux qui nous y rejoindront plus tard.

Le Christ est venu nous libérer de la peur de la mort qui paralyse tant la vie de ceux qui n’ont pas l’espérance en la vie du monde à venir.

Plusieurs visages qui nous étaient très chers sont parfois déjà partis ces jours-ci. Comment ne pas ressentir qu’ils sont entrés dans la Vie et tout à la fois demeurent si proches de nous, qu’ils intercèdent pour nous, qu’ils se font nos avocats  auprès du Seigneur pour qu’Il guérisse ce monde  malade de sa suffisance, de son orgueil, de son arrogance.  Pour qu’il lui soit donné  de renouer avec l’humilité de sa condition humaine, et qu’il reconnaisse son besoin essentiel, nourricier, vital  d’être relié à son Créateur, cultivant humblement et joyeusement  sa relation d’alliance avec Lui, au lieu, ce qui a été suicidaire, de congédier Dieu en Lui disant haut et fort : «Nous n’avons pas ou plus besoin de Toi. Nous sommes assez grands pour nous débrouiller seuls,  et savoir ce que nous voulons faire et nous donner à nous-mêmes les moyens de le réaliser. Sans avoir besoin de  prêter attention à tes appels, d’écouter ta Parole et celle de ceux que tu nous as envoyés. »

Quand ce n’est pas Dieu qui tient ou reprend le gouvernail de la barque  dans la tempête, elle menace de couler (cf. la tempête apaisée, Mc 4, 35-40).

Nos vies sont dans la main de Dieu, nous n’avons rien à craindre. Par le baptême,  depuis le baptême,  nous vivons dans notre vie chacun quelque chose déjà de notre propre vie de ressuscités. La mort ne viendra que déployer  davantage  cette Vie, Vie éternelle, qui bat déjà en notre cœur et en notre esprit. Par la mort, nous prendrons  un peu d’avance sur ceux qui  resteront ici-bas, mais nous savons que nous nous retrouverons tous.

 

« Mon témoignage est vrai car je sais, d’où je suis venu, et où je vais » dit Jésus dans l’évangile de ce jour.

Savoir d’où  nous venons et où nous allons, nous rend libres, fait de nous des êtres libres en ce monde. Les fils de ce monde-ci, qui court à sa perte, ne savent plus ni d’où ils viennent ni où ils vont. Vertige abyssal. Fuite en avant, qui peut entraîner le monde entier vers son néant, sa destruction. Car ne croyons pas que c’est Dieu qui  punit le monde.  Le monde ayant congédié, mis à la porte,  librement et délibérément Dieu, Dieu ne peut empêcher les conséquences désastreuses des choix des hommes qui se pensaient « voir » alors qu’ils se sont rendus aveugles, frappés de cécité complète de par  leurs suffisance et orgueil inouïs, démesurés.

Non, ce n’est pas Dieu qui envoie les calamités. Les hommes sont malheureusement assez grands pour se les créer eux-mêmes. Les avertissements de Dieu ne peuvent rien contre  une  humanité conduite  par des guides autoréférencés, qui n’écoutent qu’eux-mêmes et leurs désirs de pouvoir et de puissance ; et qui font fi  du bien commun  et de leur devoir  d’état de servir d’abord le bien de tous, à commencer par les plus faibles (du commencement de la vie à sa fin naturelle) avant que de servir leurs propres intérêts.

Nous sommes nés du Père et nous allons au Père. Rien ne pourra nous ôter cela. Pas même la mort, pas même la souffrance, pas même la solitude. Nous sommes nés de Dieu et nous sommes à Lui. « Personne n’arrachera de ma main ceux que le Père m’a donné. Et personne ne les arrachera de la main de mon  Père. Tout ce qui est au Père est à moi ; et tout ce qui est à moi est au Père.  Je n’ai perdu aucun de ceux que tu m’as donnés. »  (prière sacerdotale de Jésus, Jn 17)

Rien n’y personne ne pourra les ôter de ma main.

Nous, ici à Lyon, capitale des Gaules, nous sommes les héritiers des premiers chrétiens. Des martyrs de Lyon, qui ont versé  en témoignage leur sang pour confesser leur foi et qui nous ont légué, transmis la foi ;  invoquons Blandine, Ponticus, Alexandre, Pothin. Le martyre les a frappés tous. Sans distinction de classes ni d’âges. Comme la pandémie actuelle frappe tous les âges, jeunes et vieux. Confions nos aînés plus particulièrement au vieux Pothin, à son intercession, à sa protection : que le saint patron de notre paroisse ne laisse pas  notre foi, notre confiance, notre joie de croire,  fléchir mais qu’elles rayonnent en nos anciens happés par la pandémie, que leur sérénité  et leur bonheur de croire  nous éclairent jusqu’au bout. Qu’à leur suite nous soyons des acteurs zélés et fervents, solides comme Abraham  en la promesse que Dieu nous a faite : « Serment juré à notre père Abraham de nous rendre sans crainte » (Cantique de Zacharie). « Rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu qui est en Jésus-Christ, ni la persécution, ni l’angoisse, ni la faim, ni les coups, … ni l’injustice , ni la mort (cf. Rom 8, 35.38-39) » « C’est par votre persévérance que vous obtiendrez la vie (Lc 21,19)»

Contemplons la joie  qui transfigurait Blandine, et Ponticus l’enfant, et Pothin le vieillard, et leurs compagnons. Ils nous donneront de vivre de la grâce qui emplissait leurs cœurs.

Nous ne sommes pas maîtres de nos vies, mais nous savons, contrairement à ce monde sans Dieu qui nous entoure et dont les erreurs entraînent  l’humanité à sa perte, … nous, nous savons  où nous allons. La Lumière du Seigneur nous attend et nous accueillera, pour toujours. « Notre témoignage est vrai parce que nous savons que nous venons du Père et que nous allons  à Lui » (cf. Evangile de ce jour).

 

« Ils priaient pour leurs bourreaux » (lettre des chrétiens de Lyon et Vienne à leurs frères d’Asie Mineure, an 177). Il nous faut prier pour tous les responsables de cette pandémie, multiples et dispersés, ceux qui n’ont pas voulu écouter les appels pressants de la Terre, de la Faune et de la Flore, et qui ont voulu sciemment ignorer ceux qui avaient averti  que notre environnement et nous nous ne faisions qu’un, et qu’il n’y avait d’écologie qu’intégrale (cf. Laudato Si, Pape François, mai 2015).

 

«Pourquoi avez-vous peur ? N’avez-vous pas encore la foi ? » (évangile de la tempête apaisée, Mc 4, 35-40, choisi par le Pape François pour la bénédiction Urbi et Orbi le 27/03/20 Place  St Pierre). 

« Le début de la foi, c’est de savoir, dit le Saint Père, qu’on a besoin de salut. Nous ne sommes pas autosuffisants; seuls, nous faisons naufrage: nous avons besoin du Seigneur, comme les anciens navigateurs, des étoiles. Invitons Jésus dans les barques de nos vies. Confions-lui nos peurs, pour qu’il puisse les vaincre. Comme les disciples, nous ferons l’expérience qu’avec lui à bord, on ne fait pas naufrage. Car voici la force de Dieu: orienter vers le bien tout ce qui nous arrive, même les choses tristes. Il apporte la sérénité dans nos tempêtes, car avec Dieu la vie ne meurt jamais.

« Le Seigneur nous interpelle et, au milieu de notre tempête, il nous invite à réveiller puis à activer la solidarité et l’espérance capables de donner stabilité, soutien et sens en ces heures où tout semble faire naufrage. Le Seigneur se réveille pour réveiller et raviver notre foi pascale. […] Nous avons une espérance: par sa croix, nous avons été rénovés et embrassés afin que rien ni personne ne nous sépare de son amour rédempteur. Dans l’isolement où nous souffrons du manque d’affections et de rencontres, en faisant l’expérience du manque de beaucoup de choses, écoutons une fois encore l’annonce qui nous sauve: il est ressuscité et vit à nos côtés. Le Seigneur nous exhorte de sa croix à retrouver la vie qui nous attend, à regarder vers ceux qui nous sollicitent, à renforcer, reconnaître et stimuler la grâce qui nous habite. N’éteignons pas la flamme qui faiblit (cf. Is 42, 3) qui ne s’altère jamais, et laissons-la rallumer l’espérance.

« Embrasser la croix, c’est trouver le courage d’embrasser toutes les contrariétés du temps présent, en abandonnant un moment notre soif de toute puissance et de possession, pour faire place à la créativité que seul l’Esprit est capable de susciter. […] Par sa croix, nous avons été sauvés pour accueillir l’espérance et permettre que ce soit elle qui renforce et soutienne toutes les mesures et toutes les pistes possibles qui puissent aider à nous préserver et à sauvegarder. Étreindre le Seigneur pour embrasser l’espérance, voilà la force de la foi, qui libère de la peur et donne de l’espérance. »

Et le Pape de prier :

 « [Seigneur] nous sommes allés de l’avant à toute vitesse, en nous sentant forts et capables dans tous les domaines. Avides de gains, nous nous sommes laissé absorber par les choses et étourdir par la hâte. Nous ne nous sommes pas arrêtés face à tes rappels, nous ne nous sommes pas réveillés face à des guerres et à des injustices planétaires, nous n’avons pas écouté le cri des pauvres et de notre planète gravement malade. Nous avons continué notre route, imperturbables, en pensant rester toujours sains dans un monde malade. 

 Seigneur, bénis le monde, donne la santé aux corps et le réconfort aux cœurs.

Tu nous demandes de ne pas avoir peur.

Mais notre foi est faible et nous sommes craintifs.

Mais toi, Seigneur, ne nous laisse pas à la merci de la tempête.

Redis encore : « N’ayez pas peur » (Mt 28, 5).

Et nous, avec Pierre, “nous nous déchargeons sur toi de tous nos soucis, car tu prends soin de nous” (cf. 1P 5, 7). »

«Pourquoi êtes-vous si craintifs ? N’avez-vous pas encore la foi ? » Chers frères et sœurs, de ce lieu, qui raconte la foi, solide comme le roc, de Pierre, je voudrais ce soir vous confier tous au Seigneur, par l’intercession de la Vierge, salut de son peuple, étoile de la mer dans la tempête. Que, de cette colonnade qui embrasse Rome et le monde, descende sur vous, comme une étreinte consolante, la bénédiction de Dieu. » (Pape François, Bénédiction urbi et orbi, Place St Pierre, 27/03/2020)

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 « La prière et le service discret: ce sont nos armes gagnantes! » (Pape François, Bénédiction urbi et orbi, Place St Pierre, 27/03/2020)

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« Quand un pauvre crie, le Seigneur entend. » (1ère lecture de ce jour ; Ps 33)  

« Ne crains pas, tu as du prix à mes yeux. » (Is 43, 1.4) 

Jean-Paul Grouès, diacre permanent